Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 8.djvu/278

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lucknow, à Calcutta et dans sa ville natale, établissemens qui, par reconnaissance pour leur patron, ont pris le nom de Lamartinière. Le palais de Constantia, qui s’élève à quelque distance de Lucknow, et renferme une maison d’éducation dont la succession du général défraie libéralement l’entretien, est sans contredit l’une des plus curieuses constructions que l’on puisse imaginer. Il est difficile, même après une minutieuse visite, de deviner la destination première de ce gigantesque assemblage de briques et de mortier. Deux galeries semi-circulaires à un étage se rattachent au corps principal de l’édifice surmonté d’une série, — cinq étages, je crois, — de petits pavillons, de terrasses superposées comme un véritable château de cartes, et ornées à profusion de statues de toute sorte, bergers Louis XV, Chinois et Chinoises, empereurs romains, dieux de l’Olympe et sages de la Grèce. Du haut de cette Babel, on découvre une vue vraiment magnifique : au revers du monument, la ville de Lucknow déploie le magique panorama de ses dômes dorés, de ses minarets élégans, de ses mille monumens, qui, vus de loin, comme toutes les choses de l’Orient doivent être vues, se présentent sous un aspect plein d’originalité et de magnificence. Devant la façade du palais s’élève une grande colonne dont le fût devait, dit-on, servir de tombeau au général. L’on raconte en effet qu’avant sa mort, désireux d’ajouter une somme considérable à son immense fortune, il entra en marché avec le roi de Lucknow, dont sa bizarre villa excitait les désirs ; mais ces négociations avortèrent, et le général, bien persuadé que les droits de ses héritiers, quelque bien établis qu’ils fussent, ne seraient qu’une barrière impuissante contre la convoitise d’un despote indien, résolut de mettre son palais sous la protection des préjugés religieux avec lesquels les musulmans regardent les lieux où un corps humain a trouvé sa dernière demeure. Il ordonna donc par testament de déposer sa dépouille mortelle dans les caveaux de Constantia. Un sarcophage de marbre blanc renferme les cendres de l’heureux aventurier, il est entouré de quatre statues de carton peint représentant des cipayes en habit rouge, le casque en tête, appuyés sur leurs armes, dans l’attitude de la douleur officielle. Un buste de marbre blanc enfoncé dans la muraille représente le général coiffé à l’oiseau royal, avec un jabot et de petites épaulettes, et surmonte une tablette sur laquelle est gravée l’épitaphe suivante : Here lies Claude Martin. He was born at lyons. À D. 1732. He came to India a private soldier, and died a major general.