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réunis autour de Gérontius se dispersèrent, chacun se hâtant de courir à la défense de sa province, de sa ville, de son foyer, et Gérontius lui-même, réduit à la défensive, ne songea plus à attaquer les autres. La Gaule se trouvant ainsi dégagée de ses deux grands périls, Constantin put respirer un peu. Il profita de ce temps de relâche pour songer au devoir de conscience dont le retard lui pesait tant, à l’accomplissement de sa convention avec Honorius. Le vieux soldat n’était ni ingrat ni perfide, quoi qu’en pût dire l’Italie, et l’idée de passer pour tel aux yeux du monde, d’être réputé un homme de néant, lui semblait plus dure que la mort. Il lui tardait donc que les explications les plus catégoriques, tant sur ce sujet que sur le meurtre de Didyme et de Vérinien, dont la calomnie persistait à le charger malgré ses protestations, missent au grand jour son honnêteté, ainsi que son désir sincère d’être utile à Honorius. Il dépêcha dans cette intention à Ravenne, au mois de février ou de mars 410, l’homme qui était actuellement le plus avant dans sa confiance, ce Jovius dont j’ai parlé. On ne pouvait mieux choisir le négociateur d’une affaire si délicate. Noble entre les plus nobles des Gaules, esprit fin et lettré, courtisan aux manières élégantes, Jovius connaissait à fond la cour de Ravenne, où il avait vécu de longues années ; il était en relation avec tous les hommes, au fait de toutes les intrigues. On l’y reçut comme un vieil ami. Il venait d’ailleurs poser nettement la question vitale pour l’empereur, l’envoi d’une petite armée en Italie de la part de son maître, et s’entendre avec le gouvernement italien sur les moyens d’exécution. Jovius, grand partisan de l’unanimité en même temps qu’ami fidèle de Constantin, travailla à dissiper les méfiances des courtisans et à calmer les rancunes de l’empereur ; tout le monde au reste était désireux de le croire, car la face des choses s’assombrissait de plus en plus ; Alaric devenait plus pressant ; il semblait enfin prêter l’oreille à cette voix intérieure qui lui criait de prendre Rome. Comme à toutes les époques de grand danger, les généraux barbares dominaient ; Allowig, qui voulait à tout prix une armée, se montrait plus favorable que jamais à l’empereur des Gaules, dont il ne souffrait pas aisément qu’on attaquât la loyauté. Les eunuques se taisaient, et Honorius, toujours irréfléchi et léger, passait tour à tour d’un abattement puéril à une assurance plus puérile encore.

Les moyens d’exécution n’étaient point faciles à combiner, attendu que les Goths, qui tenaient toute l’Italie centrale, pouvaient, à la moindre information, se porter sur le Pô et surprendre la petite armée gauloise à la descente des Alpes. Il fallait guetter le moment, opportun où il serait possible que cette armée traversât l’Italie dans toute sa largeur, des Alpes à Ravenne, sans risquer d’être exterminée au passage. Le plan arrêté en commun était effectivement celui-ci :