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sorte de pompe inaccoutumée. Des qu’il parut sur le seuil, l’évêque s’avança à la tête de son clergé et le reçut solennellement : il venait sur sa demande rendre, à cette heure suprême, un dernier service à celui qui avait été son empereur, un dernier témoignage d’attachement à celui qui avait été son ami. Quand il fut entré dans l’église, Héros le conduisit en silence au lieu fixé pour les ordinations, et lui fit signe de s’agenouiller. Un diacre était là portant sur un plat d’argent, suivant l’usage, les ciseaux qui servaient à la tonsure ecclésiastique ; l’évêque les saisit, coupa les cheveux de Constantin, et l’ordonna prêtre. Celui-ci l’avait ainsi voulu, soit qu’il crût sa tête plus à l’abri sous ce caractère sacré, soit qu’en proie à de si violens orages, il rêvât pour les jours que Dieu lui réservait encore cette paix du cloître dont il avait privé son fils pour leur malheur à tous deux. La cérémonie se terminait quand les portes de la ville s’ouvrirent aux Romains, qui entrèrent dans Arles, trompettes sonnantes et enseignes déployées ; la paix était faite.

L’ancien empereur et son fils se trouvèrent donc prisonniers de Constance en vertu d’une capitulation qui leur assurait solennellement la vie. Constance les traita avec ménagement ; mais, ne sachant que faire d’eux, il les envoya à Ravenne, sous une escorte de soldats, pour y être mis à la disposition d’Honorius. Constantin revit donc cette même route qu’il parcourait naguère dans un appareil si différent, lorsqu’il allait porter secours fraternellement à celui qui n’était plus aujourd’hui ni son frère, ni son collègue. À trente milles environ de la résidence impériale, d’autres soldats, conduits par un officier du palais, arrêtèrent les deux Gaulois et leur escorte ; l’officier, porteur d’un mandement signé d’Honorius, prit possession des prisonniers et les fit décapiter sur-le-champ. Il y avait dans cet acte un parjure flagrant et public, une violation d’un traité solennel, et le fils de Théodose sentit le besoin de se justifier à la face du monde. Il déclara donc « qu’en mettant à mort le brigand gaulois et son fils, il avait rempli le devoir d’un bon et fidèle parent, et puni lui-même un parjure, car ces hommes avaient tué traîtreusement ses deux cousins Didyme et Vérinien dans le même temps qu’ils traitaient avec lui de leur liberté. »

Chez les Romains, les supplices politiques ne se terminaient pas à la mort, et le crime d’usurpation n’était pas expié tant qu’il restait quelques lambeaux du malheureux tyran que le sort des armes avait trahi. Les têtes de Constantin et de Julien, fichées au bout de deux piques, furent promenées d’abord à Ravenne, où on les exposa le 18 septembre de l’année 411, puis dans les grandes villes d’Italie ; elles passèrent ensuite la mer pour aller figurer dans les murs de Carthage à ce charnier humain où le grand Théodose avait fait suspendre