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des sentiers détournés, et à la faveur du jour qui tombait gagna l’intérieur du pays. Il se dirigeait sur la villa d’un noble gaulois, nommé Ecdicius, à qui il avait rendu service dans plus d’une occasion, et qui l’appelait son ami. Il le trouve, l’aborde avec confiance, lui raconte son désastre, et lui demande, au nom de leur vieille connaissance, un abri sous son toit et du pain. Ecdicius l’accueille à bras ouverts, le reçoit à sa table, le cache ; mais le lendemain matin il se présentait au quartier-général de Constance avec la tête de son ami au fond d’un sac. C’était un cadeau que le noble gaulois venait offrir au représentant du gouvernement romain. Son infâme espérance fut trompée. Au lieu des félicitations qu’il cherchait et des honneurs sur lesquels il avait compté sans doute, il n’entendit de la bouche de Constance que ces paroles qui ne s’adressaient point à lui : « La république rend grâce à Ulfila de l’exploit d’Ecdicius. » On eût dit que l’honnête Romain craignait de se rendre lui-même complice d’un crime si odieux en en louant l’auteur. Le Gaulois, tout interdit, demanda qu’il lui fût permis du moins de demeurer dans le camp romain, seul endroit où il pût désormais vivre en sûreté : « Non, répondit fièrement Constance, l’homme qui comprend, comme toi, l’hospitalité ne sera jamais mon hôte. » Ecdicius s’éloigna, et nous ne savons point ce qu’il devint.

Le siège d’Arles reprit et se continua avec ardeur chez les uns, avec découragement chez les autres. Les habitans, pour qui tout espoir de secours était évanoui, parlèrent de se rendre à de bonnes conditions ; les soldats eux-mêmes se montraient disposés à traiter, et Constance promettait, dans ses proclamations et ses messages, l’amnistie la plus complète, si la ville ouvrait d’elle-même ses portes. Constantin ne cherchait point à combattre ces désirs d’arrangement, et d’un autre côté la sauvegarde de l’empereur des Gaules et du nobilissime son fils était aux yeux des assiégés la première condition, de toute capitulation acceptable. Néanmoins, pour rendre à la ville et à l’armée une entière liberté d’agir comme elles l’entendraient, sans se préoccuper de son sort, Constantin résolut d’abdiquer. Il déposa sa pourpre et son bandeau royal, et, quittant le palais pour n’y plus rentrer, il vint déclarer au peuple et aux soldats qu’il avait cessé d’être leur empereur ; cette scène eut lieu probablement au forum. Une grande résolution semblait l’animer, et tandis que des parlementaires sortaient de la ville pour aller au quartier-général romain débattre les clauses d’un arrangement définitif qui garantirait, avec la vie de l’ancien empereur, celle des assiégés et la conservation de leurs biens, Constantin prit avec son fils Julien le chemin de l’église métropolitaine, où une autre scène l’attendait. Les portes étaient ouvertes, et l’intérieur de la basilique présentait une