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péninsule sous les lois de Victor-Emmanuel, proclamé roi d’Italie… après la victoire. Comme écrivain, il est, je le crains, un peu en arrière de son temps. N’est-il pas bien tard pour nous ramener dans ces sombres cellules du Spielberg dont nous connaissons déjà les moindres recoins ? On regrette, en lisant ce récit, le talent de Silvio, on regrette même les détails d’Andryane, et l’on chercherait, vainement la raison d’être de ce nouvel écrit sur un sujet rebattu, si l’auteur ne nous avertissait qu’il cède, après vingt ans de silence, au besoin de se réhabiliter aux yeux de ses contemporains. Peine inutile ! le temps a plus fait pour M. Fallavicino que ne fera toute son éloquence. Compromis dans la conjuration de 1821, il eut le tort de se laisser attendrir un moment par des juges perfides qui, pour lui arracher des aveux, lui représentaient sa vieille mère éplorée et sans appui ; il laissa échapper contre ses amis quelques mots accusateurs. Il reconnaît sa faute, il en gémit, il la déplore ; n’a-t-il pas le droit d’ajouter qu’elle causa peu de mal et fut bientôt réparée ? Dès l’interrogatoire suivant, il feignit la folie pour infirmer ses paroles précédentes, et l’on ne voit pas que Silvio, Maroncelli, Villa et tant d’autres dont il n’avait point prononcé le nom, aient été mieux traités par leurs juges que Confalonieri et Castillia, les seuls qui eussent à se plaindre de son imprudence. Sur ce point, je donne volontiers à M. Pallavicino cause gagnée. Pourquoi faut-il que, par une légèreté impardonnable à son âge, il ait attaqué la mémoire de ce Confalonieri qui lui avait si généreusement pardonné ! Je croirais volontiers qu’une admiration complaisante a placé cette illustre victime sur un piédestal trop élevé ; mais si l’opinion publique se modifie un jour, ce ne sera pas sur les attaques intéressées et les récriminations tardives de M. Pallavicino.

Ce qu’il y a de nouveau dans l’écrit qui nous occupe, c’est la seconde partie, où nous voyons quel est, dans l’empire d’Autriche, le sort d’un prisonnier auquel le gouvernement accorde un adoucissement de régime. M. Pallavicino était malade ; ses nerfs, gravement attaqués, faisaient craindre des accès de folie, et le médecin demandait qu’il fût transféré dans une autre prison, sous un climat moins rigoureux. L’empereur François fit droit à cette requête et donna des ordres en conséquence. Au bout d’un an, il ne fallut rien moins qu’une nouvelle manifestation de la volonté impériale pour que ces ordres fussent exécutés. Par les soins du ministre de la police, le moribond fut conduit en poste à Gradisca. Or Gradisca vaut le Spielberg : la seule différence est dans la douceur relative du climat humide de l’Esclavonie. Du reste, même mobilier incomplet et incommode, même nourriture détestable et insuffisante, même obligation du travail manuel. Au Spielberg du moins, les prisonniers politiques, traités plus durement que les voleurs, n’étaient pas confondus avec eux ; à Gradisca, sans doute pour lui faire expier l’adoucissement apporté à sa position, M. Pallavicino dut subir la compagnie d’un coquin émérite, depuis cinquante ans endurci dans le crime, et, afin de n’être pas exposé à sa brutalité, dissimuler toute répugnance pour ses propos obscènes ou vulgaires, pour ses actes les plus cyniques et les plus dégoûtans. S’il fallait en croire le narrateur, il aurait obtenu sur son estimable compagnon un succès oratoire qui lui ferait le plus grand honneur. Il avait quelque argent dont le voleur Ribberschegg convoitait la possession : « Ta bourse ! dit un jour ce dernier, ou je déclare que tu as des livres dans ta