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pays ne pourrait vivre qu’en achetant à ses voisins des quantités immenses de céréales, et par conséquent en leur vendant en échange tout ce qu’il pourrait vendre, en s’imposant même les plus rudes privations et en s’endettant pour l’avenir. Son commerce extérieur se serait considérablement accru ; serait-ce un signe de richesse ?

L’accroissement du produit des impôts indirects est plus difficile à expliquer ; là aussi cependant il y a beaucoup à dire. Outre que cet accroissement tient en partie à de nouveaux impôts, il a été fortement activé, depuis trois ans, par les dépenses extraordinaires de la guerre, les expositions, les grands travaux publics, etc. Quand on regarde à la manière dont il se distribue entre les départemens, on trouve que ceux où l’état a le plus dépensé sont ceux où l’accroissement des recettes a été le plus marqué ; L’excédant de 200 millions signalé entre 1851 et 1856 est presque complètement payé par huit ou dix départemens : la Seine, la Seine-Inférieure, les Bouches-du-Rhône, le Nord, le Rhône, etc. Les départemens dont la population a diminué et où l’état ne fait que très peu de dépenses ne présentent au contraire qu’un bénéfice insignifiant. La nature même des recettes pourrait donner lieu à des observations. Ainsi il m’est impossible de considérer comme un signe de richesse l’augmentation vraiment prodigieuse dans la consommation du tabac. Voilà bien près de 200 millions qui s’en vont littéralement en fumée tous les ans, et qui ne servent qu’à empoisonner peu à peu une grande partie de la nation, car l’action délétère du tabac sur l’organisme n’est peut-être pas sans influence sur le ralentissement du travail et de la population. Je ne me pas d’ailleurs la tendance à consommer ; c’est la tendance à produire qui me paraît en déclin. Or l’une ne peut se satisfaire longtemps sans l’autre. Une nation peut vivre quelque temps, comme un particulier, en dissipant ses épargnes antérieures et en entamant son capital ; mais un pareil jeu ne peut durer, et il arrive un moment où il faut compter, quoi qu’on fasse.

J’ai indiqué le mal : quels sont les remèdes ? Quelques personnes, dont les intentions valent mieux que les lumières, demandent une intervention plus active de l’état dans les intérêts agricoles. C’est avec ces perpétuelles invocations à l’intervention de l’état qu’on nous a menés où nous en sommes. À part quelques concours et quelques fermes-écoles, l’état ne peut rien. On a eu assurément tort de supprimer le concours universel annoncé pour cette année. Ces brusques reviremens ont des effets déplorables : beaucoup d’éleveurs s’étaient préparés, soit en France, soit au dehors, dont les dépenses vont être à peu près perdues ; il ne faut pourtant pas donner à ce concours plus de regrets qu’il n’en mérite. Ces pompeuses exhibitions ne prouvaient rien et ne portaient que bien peu de fruits ; une de plus ou de moins n’importe guère. Il y avait quelque chose de profondément