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y avait à Uraga quelque haut personnage de la cour, envoyé pour suivre de plus près les préliminaires des négociations et pour diriger Yezaïmen ; autrement celui-ci n’aurait pu s’engager à rendre réponse dans la soirée.

Il reparut en effet vers trois heures, et la conférence fut reprise. Après de nouveaux débats, et grâce aux sentimens de conciliation qui se manifestèrent de part et d’autre, on finit par tomber d’accord sur la nature et l’ordre des cérémonies officielles. Le commodore consentit à ce que l’original et la copie de la lettre du président fussent remis en même temps et à ce que cette remise eût lieu entre les mains d’un dignitaire japonais, d’un grade égal au sien, expressément accrédité par rescrit impérial. Il fut entendu que la cérémonie se bornerait à un échange de civilités et de complimens et qu’il n’y serait point question d’affaires. Enfin le commodore n’insista point pour obtenir une réponse immédiate à la lettre du président ; il devait revenir dans quelques mois chercher cette réponse. De leur côté, les Japonais ne parlèrent plus de Nagasaki, ni de Hollandais, ni de Chinois ; ils acceptèrent la baie de Yédo pour siège des conférences ultérieures que pouvaient amener les propositions contenues dans la dépêche américaine. — Ces points réglés, on décida que l’entrevue solennelle aurait lieu le surlendemain, et le gouverneur fit connaître que les dispositions nécessaires avaient été prises à terre. Les Américains remarquèrent que l’endroit désigné était trop éloigné de leur mouillage, et ils exprimèrent le désir que l’on choisît un lieu plus rapproché. Yezaïmen promit de s’occuper de ce détail et de rendre réponse le lendemain ; puis on se mit à table, formalité qui n’est jamais oubliée dans les travaux diplomatiques, et les Japonais, délivrés des émotions pénibles qu’ils avaient éprouvées pendant ces longues discussions, se livrèrent sans réserve à leur joyeuse humeur et à leur goût nouveau pour le whiskey.

Le 13, Yezaïmen vint annoncer que le prince de Idzu, conseiller de l’empire, était arrivé à Uraga, et il exhiba la lettre impériale qui accréditait ce haut dignitaire. Voici la traduction de cette lettre : « A son altesse Toda, prince de Idzu. Je vous envoie à Uraga, pour recevoir la lettre qui m’est adressée par le président des États-Unis et qui a été apportée par l’amiral. Vous reviendrez ensuite à Yédo, et vous me remettrez la lettre. » C’était court, mais en règle ; le sceau de l’empereur se trouvait apposé au bas de cette prose laconique. Le bref de sa majesté était enveloppé dans une couverture de velours et renfermé dans une cassette de bois de sandal. Yezaïmen, après avoir produit ce précieux document, rappela que le prince d’Idzu n’avait mission de traiter aucune affaire et qu’il était chargé seulement de prendre la lettre. Il déclara ensuite que les préparatifs pour la réception du lendemain étaient presque terminés et qu’on ne pouvait