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choisir un autre emplacement. Le commodore s’attendait à cette déclaration ; mais il avait eu soin de faire sonder ce côté de la baie, et il s’était assuré que les steamers y trouveraient assez d’eau pour se tenir à portée de canon du rivage. On fixa l’heure de l’entrevue, le nombre d’hommes qui devaient accompagner le commodore, les coutumes, les saluts à échanger ; aucun détail de l’étiquette ne fut oublié, et tout fut discuté, concerté avec une entente et une précision merveilleuses.

Le jour de l’entrevue officielle, le 14 juillet, arriva enfin. Les Japonais avaient complété à la hâte leurs préparatifs. Une nombreuse flottille de bateaux était rangée en bon ordre dans la baie au fond de laquelle devait s’effectuer le débarquement. La plage, où s’élevaient deux pavillons, semblait parée comme pour une fête. L’extérieur des forts était tapissé d’étoffes élégamment découpées en forme d’éventails et couvertes d’inscriptions ou de dessins qui représentaient les armes impériales. Mille pavillons aux couleurs brillantes flottaient aux angles ; de grands mâts, portant la flamme et laissant tomber jusqu’à terre d’éclatantes banderoles, étaient disposés symétriquement sur la façade des pavillons. Le soleil du matin vint éclairer ce joyeux tableau, qui, de loin, ressemblait à un décor d’opéra. Vers huit heures, le Susquehannah et le Mississipi, ayant à bord les détachemens de l’escadre qui avaient été désignés pour former l’escorte du commodore, levèrent l’ancre et se dirigèrent à petite vapeur vers la baie de Gorihama, où ils prirent leur mouillage dans la situation la plus favorable pour combattre au besoin le feu des forts et pour dominer la plage. Le commodore n’avait aucune raison de suspecter la bonne foi des Japonais, mais il voulait être prêt à faire face à tout événement ; le branle-bas avait été exécuté à bord des deux navires, et les canonniers étaient à leurs postes. Le gouverneur d’Uraga, sur le pont du Susquehannah, put assister à ces préparatifs. C’était lui qui remplissait dans cette solennité le double rôle de maître des cérémonies et d’introducteur des ambassadeurs. Il s’était donc porté avec empressement à la rencontre des bâtimens américains, et, secondé par le vice-gouverneur Saboroske, il allait présider à tous les détails matériels de la fête.

Dès que les deux navires eurent jeté l’ancre, on amena les canots qui devaient porter à terre le commodore et son escorte. Les Japonais avaient offert leurs embarcations ; mais cette proposition fut écartée. En moins d’une demi-heure, quinze canots, dépliant à l’arrière le pavillon étoile des États-Unis, furent prêts à recevoir les officiers, matelots et soldats de marine qui avaient été désignés et dont le nombre s’élevait à près de trois cents. Le capitaine Buchanan prit la tête de la petite escadre, qui se dirigea à force de rames vers le rivage. Le commodore Perry s’embarqua dans le dernier,