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aux cérémonies des funérailles. Ce point réglé, le commodore retourna à bord du Powhattan.

Le lendemain, un détachement, accompagné du chapelain de l’escadre et de l’interprète, porta à terre le corps du soldat, dont la dernière demeure avait été l’objet d’une si vive discussion. Les officiers japonais se montrèrent pleins de prévenances, et près de la fosse qui avait été creusée à proximité du cimetière de Yoku-hama, les Américains trouvèrent un prêtre bouddhiste vêtu de son costume de cérémonie et assis devant un petit autel qui était garni des divers ornemens de son culte. Le chapelain récita les prières protestantes, que les Japonais écoutèrent dans un profond recueillement. Quand les Américains se furent éloignés après avoir comblé la fosse, le prêtre bouddhiste officia à son tour. Il battit le gong, murmura ses litanies, brûla l’encens. Les Japonais pensaient-ils faire simplement acte de piété en consacrant la tombe de cet étranger que la mort venait de déposer sur leur rivage, ou bien voulaient-ils étouffer sous la psalmodie du chant bouddhique les échos profanes de la prière chrétienne ? Il vaut mieux croire à l’inspiration d’un pieux sentiment et ne voir dans la présence du prêtre de Bouddha sur la tombe du soldat américain qu’un hommage touchant rendu à la mort. Les Japonais professent le plus grand respect pour les tombeaux.

La journée du 13 mars fut employée au débarquement des présens que le président des États-Unis envoyait à l’empereur du Japon. Le choix de ces présens avait été fait avec le plus grand soin. Il était essentiel de frapper vivement l’intelligence et l’imagination des Japonais, et ces cadeaux diplomatiques, destinés à la cour de Yédo, ne devaient pas évidemment ressembler à ceux qui, dans notre vieille Europe, entretiennent de temps à autre l’amitié des souverains. Il y avait bien, parmi les présens, une caisse d’armes, quelques montres, un télescope, des balances, des caves à liqueur, des bouteilles de whiskey et de marasquin, des paniers de vin de Champagne (fabriqué peut-être aux États-Unis), des boîtes de savon, mille objets de pacotille qui étaient là pour faire nombre et garnir l’étalage ; mais ce qui devait surtout exciter l’attention des Japonais, c’était une collection complète d’outils et d’instrumens agricoles, un appareil télégraphique, enfin un chemin de fer avec une locomotive et un tender. Les Américains posèrent les fils du télégraphe entre le pavillon des conférences et un autre bâtiment situé à une distance d’environ deux kilomètres. Que l’on juge de la stupéfaction des Japonais, lorsqu’ils assistèrent à la manœuvre des appareils et virent leurs messages transmis d’un point à l’autre avec la rapidité de la pensée ! En même temps on établissait les rails, qui formèrent une voie circulaire sur laquelle la petite locomotive, chauffée à toute vapeur, fut lancée avec