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organes de la réaction contre l’incrédulité ; mais, comme il n’était point penseur, ses discours, dépouillés du charme que sa voix pénétrante savait leur communiquer, paraissent froids et stériles. Wallin avait touché les cœurs sans réveiller les consciences. D’autres hommes, mieux préparés pour agir, devaient le suivre.

Lors du jubilé de la réformation, qui fut célébré en 1817, le réveil religieux dont la Suède entière allait bientôt donner le spectacle fut déjà observé dans mainte province. Dès 1826, on le vit s’annoncer en Smăland, grâce à l’éloquence du suffragant Nyman ; en Scanie, grâce au prédicateur Schartau ; dans la pauvre Norrlande enfin, et dans les deux grandes villes du royaume, Gothenbourg et Stockholm. Schartau eut un bonheur qui manqua à Wallin. Mort en 1825, il exerça par ses ouvrages une action plus puissante que par sa vie même. Ses disciples s’appliquèrent après lui à développer ses vues, et arrivèrent à une conception du christianisme assez voisine du méthodisme. Le méthodisme d’ailleurs, prêché dans la chapelle anglaise de Stockholm, avait lui-même pénétré dans quelques âmes ; et ainsi s’était formé le foyer du mouvement religieux dont cette ville fut le théâtre[1].

Dans la Norrlande, le réveil (le mot avait été consacré, nous l’avons dit, pour désigner l’ensemble des symptômes que nous étudions) ne tarda pas à se manifester sous un aspect très particulier. À la suite de quelques poursuites exercées par l’église officielle contre un certain nombre de réunions religieuses non autorisées, il arriva qu’en 1832 quelques jeunes catéchumènes, peu avant d’être admis à participer à la sainte cène, ressentirent dans la tête et dans les bras des sensations nerveuses extraordinaires qui se trahissaient au dehors par des gestes brusques et singuliers, après quoi ils se mirent à prêcher l’Évangile avec une sorte d’enthousiasme. Trois années plus tard eut lieu, sur les confins de la Laponie suédoise, un réveil religieux non moins indépendant de toute influence extérieure, mais très semblable à ce dernier par les formes bizarres qu’on le vit revêtir. Certains campagnards se laissaient choir à terre, y demeuraient accroupis en silence, et au bout d’un instant se relevaient pour prêcher l’Évangile : ils furent les instrumens de nombreuses conversions.

Il faut le reconnaître, les formes sous lesquelles s’était manifesté ce double mouvement religieux à l’extrémité septentrionale de la Suède pouvaient paraître et parurent en effet, à ceux qui ne remontaient

  1. Pour donner une idée de l’influence du pasteur Schartau, rappelons qu’il fut l’instrument de la conversion de trois professeurs distingués, deux de l’université d’Upsal et un de celle de Lund, MM. Bergquist, philosophe de l’école de Schelling, Florman, célèbre anatomiste, et Holmbergson, tous trois très connus dans le Nord.