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« Art. 6. Les membres de l’église ont le droit de se réunir entre eux, pour un motif religieux, aussi longtemps qu’ils ne feront rien qui soit contraire à la loi et à la morale. La loi qui interdit ces sortes de réunions est abolie. Si de telles réunions se forment sans la participation du pasteur, on ne peut lui en défendre l’entrée, ni à la police, qui, ainsi que lui, a le droit de les dissoudre dès qu’elle les juge contraires à la loi et à la morale. Ces réunions ne doivent pas avoir lieu pendant les heures du culte public, à moins d’une permission spéciale ; sinon, celui qui fournit le local est passible d’une amende de 67 à 134 francs, et ceux qui prennent part à la réunion, d’une amende de 14 francs chacun. »


On s’étonne que les amis de la liberté religieuse en Suède aient pu accepter cette proposition comme un progrès. En effet, si l’on rapporte la loi qui interdit les réunions religieuses, on laisse subsister celle qui condamne à l’amende ou à la prison quiconque reçoit le sacrement de la main d’un laïque, puisqu’un luthérien ne saurait se soustraire à l’autorité de l’église établie sans abandonner la doctrine luthérienne. En définitive, il est trop visible que de nouvelles persécutions viendront affliger la Suède dès qu’on appliquera réellement la loi. D’ailleurs les heures fixées pour les réunions religieuses, surtout à la campagne, ne se concilient pas avec les difficultés créées par les distances, et tel pasteur qui se sent intéressé à les dissoudre peut trop facilement se croire autorisé à les déclarer contraires à la morale et à la loi. Si un laïque veut arriver à la liberté par un abandon authentique de la foi luthérienne, il se voit dans l’obligation de déclarer à son pasteur qu’il ne croit plus ce qu’enseigne l’église ; mais comment combattra-t-il, dans la plupart des cas, les argumens que celui-ci pourra lui opposer, ou légitimera-t-il moralement sa démarche, si on le prive des moyens de se rendre compte de sa foi, c’est-à-dire si on défend le prosélytisme ? Et comment des parens qui sentent que l’église établie ne repose pas sur une base véritablement évangélique auront-ils le courage de s’en séparer, s’ils se savent condamnés à faire instruire leurs enfans dans la doctrine de cette église ? Et si malgré une telle perspective ils se décident à faire ce grand pas, dans quelle position se trouveront-ils placés vis-à-vis de leurs enfans, que le pasteur officiel doit chercher à soustraire à leur influence sans que la loi leur permette de combattre ses argumens ? Placés entre leur pasteur, à qui la loi commande le prosélytisme, et leurs parens, auxquels la loi ferme la bouche, comment ces enfans réussiront-ils à concilier leur respect pour celui-là et leur confiance dans ceux-ci ? comment pourront-ils avoir foi en même temps à la doctrine qu’on leur enseigne et aux sentimens religieux que manifeste leur famille ? N’est-ce pas là aller directement contre le but qu’on