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ment de singuliers avantages dans cette lutte d’influence en Italie ; mais ces avantages, il ne peut les conserver, il ne peut les rendre durables et fructueux que par une modération extrême, et c’est là par malheur une considération dont ne se pénètrent pas assez parfois les orateurs et les publicistes sardes, qui croient bien servir l’Italie par un système permanent de provocations. La discussion qui a eu lieu, il y a peu de jours, dans le parlement de Turin, au sujet de la fortification d’Alexandrie, offrait une occasion périlleuse, surtout dans les circonstances actuelles. M. de Cavour s’en est tiré avec habileté et sans dépasser les limites de la prudence, ne dissimulant rien, mais aussi s’abstenant de toute parole provocatrice. Ce qu’il y a de grave, à un point de vue général, dans cette rupture qui vient d’éclater entre le gouvernement autrichien et le cabinet de Turin, c’est que, dans ce moment, deux points principaux de l’Italie, Naples et le Piémont, se trouvent à la fois placés dans une situation diplomatique irrégulière, et peuvent devenir des foyers d’agitation. C’est aux deux gouvernemens italiens d’y pourvoir, et ils le peuvent, l’un en entrant dans une voie plus conciliante, l’autre en s’abstenant de toute connivence avec les partis révolutionnaires.

La France n’a point aujourd’hui de ces embarras qui naissent de conflits diplomatiques inattendus ou même du refroidissement des alliances. Pour peu qu’on observe la vie de notre pays, elle se présente sous une apparence bien simple, et peut se résumer dans une sorte de calme intérieur où il n’y a d’autre agitation que celle des affaires matérielles. Il y a cela de particulier aujourd’hui en France que bien des questions peuvent exister indépendamment de leurs manifestations visibles ou du bruit qu’elles font. La session législative a été jusqu’ici peu animée. L’affaire la plus importante en ce moment est le budget de 1858, qui vient d’être présenté, et que le corps législatif va pouvoir examiner. Deux faits sont à remarquer dans ce budget, la suppression du décime de guerre et l’établissement de l’impôt sur les valeurs mobilières, qui deviendrait ainsi un des élémens des recettes publiques, à moins qu’il ne fût point admis par le corps législatif, ce qu’il est difficile de prévoir. On a dit quelquefois que les gros budgets étaient un signe de prospérité. Le progrès ne s’interrompt pas évidemment, puisque le budget de 1858 est de plus de 1,700 millions. Il est vrai que d’après le produit présumé des revenus les recettes présenteraient encore un excédant de 20 millions. Au nombre des dépenses nouvelles proposées pour l’année prochaine figurent 5 millions pour les paquebots transatlantiques, 5 millions destinés à l’augmentation des petits traitemens dans le service des postes, des douanes, des contributions indirectes, 5 millions pour remboursement annuel à la Banque de France sur le prêt de 75 millions fait par elle en 1848. Dans son ensemble, le budget de 1858 présente sur celui de 1857 une augmentation de dépenses de 18 millions. Au nombre des dépenses nouvelles, comme on vient de le voir, il est une certaine somme affectée à l’augmentation du traitement d’une certaine catégorie de petits employés. Il n’est point douteux qu’il y a là une question qui touche au plus vif de notre situation économique, et qui intéresse non-seulement les employés d’un certain ordre, mais bien des fonctionnaires de l’état et même bien des personnes vivant d’une fortune modeste. Qu’arrive-t-il en effet ? Pour tout le monde, les dépenses ont augmenté, tandis que des émolumens fixés autrefois ou les revenus fixes qui ne s’ac-