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et comme cette distance n’est que d’un peu plus de six millions de mètres, le soulèvement ne serait que de deux tiers de mètre tout au plus.

Notez que j’ai supposé la lune immobile et produisant tout l’effet qu’elle peut produire avec le temps, tandis qu’en réalité elle passe successivement au-dessus des divers points de la terre, et qu’elle répartit successivement sur tous sa force soulevante, déjà très faible. Dans toutes les mers largement ouvertes, les marées des océans sont peu de chose, et l’on peut considérer le fluide intérieur de la terre comme une mer sans rivages aussi bien que notre atmosphère, dont les marées sont de même presque imperceptibles au baromètre. Admettons jusqu’à un mètre pour la force avec laquelle les deux astres qui tourmentent continuellement nos grands océans agiraient sur la terre ; pense-t-on que l’enveloppe continentale se déformât pour un poids de terrain dont l’épaisseur serait d’un mètre, et cette surcharge en plus ou en moins pourrait-elle faire craquer une couche compacte de 60 kilomètres d’épaisseur ? Quelques météorologistes ont cru remarquer que les tremblemens de terre s’étaient manifestés en plus grand nombre à l’époque des syzygies, où les actions de la lune et du soleil conspirent ; mais ces actions sont si faibles, que deux actions pareilles ne produiraient pas plus d’effet qu’une seule. Si on attelait un chat à une voiture pour la traîner, croit-on qu’on la mobiliserait davantage en y attelant deux chats ou même une douzaine de ces faibles animaux ?

En résumé, la terre est une grande machine électrique, un grand appareil de Volta. Elle engendre en elle-même les courans qu’elle fait circuler de l’est à l’ouest. Ces courans en font un grand aimant semblable à ceux qu’Ampère a construits avec des fils convenablement pliés et parcourus par le courant voltaïque. Ces courans terrestres ne sont nullement hypothétiques. On peut les dériver dans des fils conducteurs soudés à des plaques métalliques enfoncées sous le sol, et même on les a fait travailler, par exemple pour entretenir indéfiniment le mouvement d’une horloge sans avoir besoin de la remonter. Plusieurs personnes ont pensé que ces courans, qui agissent si énergiquement sur l’économie organique, étant modifiés par l’action du soleil et par les influences météorologiques, pouvaient agir en bien ou en mal sur la végétation et sur la santé publique. Que répondre à toutes ces questions, d’ailleurs fort importantes ? Comme le faisait souvent Lagrange, le géomètre sans pair : « Je ne sais pas. » On peut encore dire comme Charles, l’excellent physicien et expérimentateur : « Adressez-vous à Dieu ; il n’y a que lui actuellement qui sache cela. »


BABINET, de l’Institut.