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aux premières chaleurs de l’été, et c’est dès la fin d’avril que les innombrables troupeaux qui les habitent traversent les plaines de la Nouvelle-Castille pour descendre vers les bords des fleuves. L’homme, on le conçoit, vit difficilement dans ces pays qui se refusent à nourrir les animaux eux-mêmes, et le manque de population est un des élémens les plus réels de l’infériorité de l’Espagne. Toutefois l’incurie humaine a outrepassé les difficultés naturelles, et on pourrait, sous ce rapport, opérer de grandes améliorations : ces provinces du centre se prêteraient à des échanges considérables ; les deux Castilles et la Manche pourraient être le grenier de l’Espagne, et des pays étrangers, l’Angleterre surtout, seraient appelés à s’y approvisionner largement, si l’état des communications le permettait.

La fertilité du sol, remarquable déjà au centre et au nord, devient exceptionnelle vers le sud, et il n’est pas besoin d’insister sur le développement certain que prendra la production des denrées de toute sorte, lorsque la population sera mieux répartie et lorsque les procédés de culture seront améliorés. Ce n’est pas seulement d’ailleurs en céréales, en vins, en produits agricoles de diverses espèces que l’Espagne abonde[1] ; elle semble être aussi l’une des contrées les mieux douées quant à la richesse des mines. Dans la production générale de la houille, l’Angleterre passe pour fournir plus de 60 pour 100, la France 8,65, l’Espagne, 0,12. En 1854, l’Angleterre a produit 64,000,000 de tonnes de charbon ; aujourd’hui encore on compte qu’en Espagne l’extraction ne s’élève pas à plus de 200,000 tonnes. Et cependant plusieurs groupes houillers viennent d’y être étudiés qui ont fait naître les plus brillantes espérances. Le premier et le plus important de ces gisemens est situé dans les Asturies, au nord

  1. La France renferme 30 pour 100 de son territoire cultivable en céréales, l’Espagne 89 pour 100. La surface totale de l’une est à peu près égale à celle de l’autre, et le sol de la Péninsule n’est assurément pas moins fertile que le nôtre ; néanmoins le rendement des céréales est en France de 182 millions d’hectolitres contre 66 en Espagne. La production de l’Espagne dans ses conditions actuelles suffirait néanmoins à la consommation du pays tout entier, et préviendrait le retour de crises alimentaires pareilles à celle qui vient de sévir, si l’état des routes ne s’opposait pas à tous les transports. D’après le bas prix des céréales sur les lieux de production, on peut juger du besoin Indispensable que les producteurs et les consommateurs éprouvent d’en voir faciliter l’écoulement. En 1849, année d’abondance il est vrai, le blé se vendait 7 fr. 50 c. l’hectolitre à Médina del Campo, et 6 fr. 25 c. à Zamora (royaume de Léon) ; il valait 17 fr. 50 c. en Angleterre. En 1852, la vieille cité de Salamanque conservait invendu dans ses greniers le cinquième des approvisionnemens accumulés en 1853 à Odessa pour l’exportation. On pourrait citer aussi l’abondance des produits vinicoles dans la Péninsule, produits qui ne se rencontrent pas seulement dans les provinces méridionales, et qui se trouvent aussi dans la Manche, l’Aragon, etc. ; mais ce serait nous écarter du plan de cette étude que d’insister ici sur le développement possible et trop prévu des richesses agricoles de l’Espagne.