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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 8.djvu/892

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mines de plomb de Linarès ? Tout lecteur impartial peut l’apprécier, et il suffit de noter ceci, qu’en appliquant au produit actuel le multiplicateur 8, qui exprime la moyenne de l’effet réalisé par les chemins de fer en Allemagne, on arriverait à un produit brut de 6,800,000 fr. Il n’en faut pas tant pour donner un intérêt suffisant à une entreprise qui exigera un capital de 14 millions environ.

Je ne sais si je m’abuse sur la portée des chiffres qui viennent d’être produits ; mais l’ensemble de ces calculs, en admettant même quelques inexactitudes de détails, me semble propre à inspirer confiance dans ces entreprises, qui intéressent si particulièrement l’Espagne, et qui satisferont le plus impérieux de ses besoins, comme aussi ils justifient la prétention énoncée au début, d’encourager le capital français à réaliser matériellement le vœu de Louis XIV, qu’entre l’Espagne et la France il n’y eût plus de Pyrénées. Sans doute cette tendance qui pousse une partie de notre propre capital à se porter au-delà des frontières peut rencontrer des contradicteurs. Il s’agit en effet, pour achever les chemins du Nord, d’Alicante, de Saragosse et de Cordoue, d’une dépense de 360 millions de francs au moins, et c’est là un chiffre important, sans compter les sommes que nous enlèvent la canalisation de l’Èbre, la construction des usines, l’exploitation des mines, qui sont entreprises aussi par des maisons françaises. Un tel capital ne serait-il pas mieux employé sur notre territoire ? Assurément non. La richesse naturelle de l’Espagne, la situation arriérée où elle se trouve, permettent d’y tenter des affaires nouvelles à de meilleures conditions qu’en France, et c’est là, pour l’emploi du capital, une raison prépondérante. En outre, l’argent émigré reviendra accru de tout le bénéfice recueilli, ou même, s’il s’immobilise au dehors, l’intérêt exceptionnel perçu grossira le chiffre de notre épargne annuelle, cette base première de tous les progrès intérieurs. Dans ce dernier cas, nous aurons enrichi l’Espagne, cela est vrai ; mais nous l’aurons enrichie à notre profit, en créant auprès de nous un marché nouveau pour l’écoulement des produits de notre industrie, et en fondant à notre portée un réservoir abondant de matières premières où il ne nous sera pas indifférent de puiser. Enfin, en développant la prospérité de l’Espagne, le capital français aura fait une bonne œuvre politique, ce qui n’est point à dédaigner. Non-seulement la nature a placé l’Espagne près de la France, mais les idées, les mœurs, le langage, ont créé entre elles des liens encore plus étroits. L’Espagne est notre voisine, elle doit être toujours notre amie et notre alliée.


Il aurait été possible sans doute de donner des développemens plus étendus à cette étude des besoins et des ressources de l’Espagne, il aurait peut-être fallu insister sur l’avenir des riches colonies