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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 8.djvu/918

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Genèse que l’anglais ne s’éloigne du saxon. Ce grand principe de la persistance des races que l’ethnologie a fait ressortir est donc applicable aussi aux langues, et nous avons alors un moyen de les classer, d’en saisir les filiations et les mélanges. Nous savons que les modifications qui s’opèrent dans la vie d’une langue ne la font pas sortir de la condition même de son être, elle ne peut briser son organisme et effacer totalement sa marque originelle.

Tels sont les phénomènes généraux que la science a saisis dans ce qu’on peut appeler la vie du langage. Ces phénomènes, une fois bien connus, on a pu arriver à une notion précise des existences individuelles, et dès-lors la philologie comparée est entrée dans une voie plus féconde et plus large ; elle a quitté l’individu pour les sociétés diverses, la psychologie pour l’ethnologie. Elle a découvert entre chaque langue et l’état social du peuple, qui la parle des rapports curieux, elle a retrouvé sous les mots et les formes grammaticales des documens historiques ignorés qui nous permettent de reconstruire l’histoire des migrations de notre espèce.


II

Les philologues qui se sont livrés à l’étude comparative des langues de l’Europe, MM. François Bopp et Pott en particulier, ont constaté la parenté plus ou moins étroite de ces langues entre elles. Toutes, à l’exception d’un petit nombre d’idiomes, offrent le même système grammatical et un vocabulaire dont les mots peuvent se rattacher les uns aux autres par les règles de l’étymologie. Je dis les règles, parce que l’étymologie a aujourd’hui les siennes, et n’est plus livrée à l’arbitraire de rapprochemens souvent ingénieux, mais chimériques. Par la comparaison attentive des changemens que des mots bien connus ont subis en passant d’une langue dans une autre, on est parvenu à saisir des lois de permutation pour les lettres et des procédés réguliers pour l’échange des sons. Ces faits une fois constatés, il a été possible de remonter, de mots en apparence assez dissemblables, à un radical commun qui apparaît comme le type dont les modifications ont produit tous ces mots dérivés. Ce type, c’est dans le sanskrit qu’on l’a trouvé, ou tout au moins les mots du sanskrit se présentent sous une forme évidemment beaucoup plus ancienne que les formes européennes, et par conséquent ils se rapprochent le plus du type dont nous ne pouvons aujourd’hui saisir que des dérivations diverses. La grammaire sanskrite renferme également en substance celle de tous nos idiomes.

Ainsi les langues de l’Europe appartiennent à une grande famille, qui s’est de bonne heure divisée en plusieurs branches, dont nous ignorons l’ancêtre commun, mais dont nous reconnaissons dans le sanskrit le chef d’une des plus anciennes lignes collatérales. On a vu que le perse et le zend étaient deux langues alliées de fort près au sanskrit ; ce sont par conséquent des sœurs ; et tandis que certaines langues de l’Europe, telles que le grec et les idiomes slaves, rappellent d’une manière assez frappante le sanskrit, d’autres, les langues germaniques, tiennent de plus près au perse et au zend.

La comparaison des idiomes européens les a fait grouper en quatre grandes classes représentant comme autant de sœurs nées d’une même mère ; mais