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à tort voulu faire un type complètement à part. La troisième est la famille lenca, répandue principalement sur le territoire de Honduras. Enfin la quatrième famille est représentée par le nahuatl, c’est-à-dire l’ancien mexicain, dont nous possédons des monumens littéraires écrits en signes à peu près hiéroglyphiques.

Le quichua ou langue des Incas comprend plusieurs dialectes, dont le principal est l’aymara. Le quichua est celle de toutes les langues du Nouveau-Monde qui présente au plus haut degré le caractère polysynthétique. La famille guaranie, à laquelle se rattache le chilien, accuse un assez grand développement grammatical ; répandue au sud et à l’est de l’Amérique méridionale, elle était parlée sur un territoire très vaste. Enfin les deux familles pampéenne ou moxa et caraïbe occupent dans la hiérarchie des idiomes américains les plus bas échelons. La simplicité grammaticale y est excessive. Par exemple, dans le galibi, langue des tribus sauvages de la Guyane française, et qui appartient à la famille caraïbe, on ne trouve ni genres ni cas ; le pluriel est simplement exprimé par l’addition du mot papo, qui signifie tous, et qui sert à la fois pour le substantif et pour le verbe. Dans cette dernière partie du discours, on ne distingue pas les personnes, et la même forme sert pour les trois personnes au pluriel et au singulier.

Les langues américaines ont donc aussi passé par des phases de développement très diverses ; mais alors même qu’elles atteignaient, comme dans le quichua et le guarani ; un degré remarquable d’élaboration, elles ne pouvaient cependant dépasser les formes élémentaires sur lesquelles elles ont été échafaudées. Elles ont eu leur moule arrêté, leur terme prédestiné, de même que les langues africaines, qu’elles rappellent singulièrement par leur génie, par leur douceur, mais sur qui elles l’emportent de beaucoup en puissance agglutinative. Ce point d’arrêt indique que les Américains n’ont pas poussé la faculté du langage beaucoup plus loin que les noirs. S’il était permis de dresser une classification des langues suivant leur degré de développement et en ne tenant pas compte de certaines richesses propres, nous aurions le tableau suivant : langues monosyllabiques ou de la famille indo-chinoise, langues malayo-polynésiennes, langues américaines, langues africaines, langues dravidiennes et ougro-japonaises, langues sémitiques et langues indo-européennes.


III

L’aperçu qui vient d’être donné des familles de langues distribuées sur la terre suffit pour faire saisir les conséquences ethnologiques auxquelles la philologie comparée s’est trouvée conduite par ses derniers travaux.

Ce qui doit frapper d’abord, c’est l’extrême inégalité de développement que nous présentent les idiomes des diverses sociétés humaines. Leur valeur grammaticale est généralement en raison de la valeur intellectuelle des peuples qui les parlent, mais on se tromperait cependant si l’on admettait que la langue est le miroir fidèle du progrès de la civilisation. Sans doute les populations les plus sauvages, les plus misérables, nous offrent des idiomes extrêmement simples et imparfaits, et les nations qui ont atteint à la plus grande culture possèdent des langues pleines de ressources, de finesse