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et l’épée peuvent faire justice. Longtemps nous avons cru que l’église catholique convenait également à tous les peuples : de là les massacres du midi, la Saint-Barthélémy et les fureurs de la ligue. Sous Louis XIV, nous avions peine à comprendre que tous les peuples refusassent d’accepter le joug de notre monarchie ; de là l’injuste guerre de Hollande, le Palatinat deux fois brûlé. Sous la république et sous l’empire, étonnés que tout le monde n’acceptât pas avec reconnaissance nos principes libérateurs, nous avons essayé de briser les résistances qu’on nous opposait. On sait quel résultat a eu cette tentative.

Oui, on a eu raison de dire que le catholicisme était la religion de la France, si l’on consent toutefois à ne pas interpréter ce mot dans un sens exclusif. La France est catholique, si l’on donne à ce mot son sens étymologique : universalité, car elle ne conçoit pas de différences entre les nations, et tous les peuples ne sont pour elle que des agglomérations d’hommes semblables, réservés aux mêmes destinées, sortis d’une même origine. Il n’y a pas pour elle de séparation fondamentale, et les barrières qui divisent le genre humain n’ont pas plus de réalité que les colorations bleues ou vertes qui sur une carte géographique indiquent les frontières respectives des états. La France a épuisé sous toutes ses formes cet idéal catholique. Intérieurement, chez elle-même, par la monarchie, la centralisation, l’autorité en matière religieuse, elle a poursuivi et réalisé son rêve d’unité. Extérieurement elle a cherché à l’imposer aux autres peuples par la conquête. Une église universelle, un concile universel, une monarchie universelle, une sainte alliance universelle des peuples, une fraternité universelle, une humanité réconciliée, tels sont les mots d’ordre de la France aux différentes époques de son histoire. Cet esprit catholique, longtemps contenu dans des formules étroites, emprisonné dans des institutions monarchiques et ecclésiastiques qui lui donnaient une satisfaction relative, est allé se dégageant de siècle en siècle, corrodant ses liens, perçant les murs de sa prison, jusqu’à ce qu’un jour enfin, débarrassé de toute entrave, il se soit élancé, impatient d’une liberté longtemps désirée, à la conquête du monde. Il s’est présenté alors sans aucun des masques et des déguisemens que lui avait imposés le passé, pur esprit sans corps et d’autant plus terrible, insaisissable à des mains humaines, incompréhensible à l’expérience et à la sagesse traditionnelle, et lui-même insouciant de toute expérience et ne voulant relever que de la pure raison. La date à laquelle cet esprit fit sa tardive apparition est le XVIIIe siècle, et le nom qu’il prit alors et qu’il a gardé depuis est révolution française. Les premières paroles de ce génie enfin libre furent semblables aux bégaiemens qu’il avait arti-