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vigoureux. Nulle force ne le saura maintenant diviser, nous le jurons par Odin, Thor et Frei! »


Il est trois heures du matin; la beauté du lieu, le silence de la nature, assoupie sous une sorte de lumière magique, et que ne trouble pas le chœur harmonieux des voix humaines, enfin les nobles sentimens suscités dans les âmes ont déjà transformé les premières impressions en durables souvenirs. Le lendemain, dans le même lieu, un des professeurs d’Upsal, M. Böttiger, poète aimé du Nord, remet aux étudians norvégiens la bannière qui leur est offerte, tandis que les Suédois chantent les strophes suivantes, composées par une des donatrices :


« Le cœur du jeune homme, fortement ému, a le chant pour interprète. Le sentiment de la femme au contraire ne se trahit que par sa rougeur ou par une larme. Le soleil fond la neige, la main du printemps tisse la fleur: aussi secret et silencieux est le travail de la timide jeune fille pendant que la joie fait battre son cœur.

« Le cœur nous bat, à nous femmes suédoises, pour l’honneur de la Scandinavie. Aussi avons-nous travaillé en silence, faisant passer nos âmes dans l’œuvre de nos doigts et le secret de nos rêves dorés dans de simples images. Voyez cette bannière : voici la croix éclatante sur ce fond empourpré; au-dessous est une lyre que nous avons couronnée de lauriers; puisse-t-elle résonner toujours d’accens paisibles et purs!

« Mais s’il faut combattre les ténèbres, le mensonge ou l’injustice, portez-la, notre bannière, haut et ferme, car elle est consacrée à la lumière! Et, vous souvenant des filles de Svéa, vous souvenant de l’instant heureux de cette réunion, chantez notre chant suédois : «O jeune homme! si tu as un cœur pour suivre les traces de tes pères, vole à la défense de ta patrie; venge-la ou meurs! »


Suit la réponse des étudians, qu’un d’entre eux improvise; nouvelle invocation à la bannière, à la patrie, à l’avenir, le tout couronné de neuf hurras qui fendent les airs.

Voilà, dira-t-on, un pays où la poésie court les champs! Oui, les champs, les rochers, les lacs et les rivières. Il faut voir comme, au sortir du long hiver et dès que paraît la courte et brillante saison d’été, ces Suédois s’élancent sur les eaux, dans les campagnes, et se mêlent, comme ils disent, u dans la nature. » Et sous quelque prétexte qu’ils se trouvent réunis, dans ces fêtes d’été comme dans les solennités universitaires, sur les mille embarcations légères qui, à l’aide de la vapeur, sillonnent en courant ces belles eaux vivantes et pures, ou bien dans les marches en commun, cette jeunesse, plus naïvement joyeuse et plus sérieuse à la fois que la nôtre, cette jeunesse, qui aime encore et célèbre son Dieu et son roi, charme sans