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sa justification, qu’il n’avait rien imprimé de fâcheux sur leur compte qu’il ne l’eût emprunté tout au long aux journaux des États-Unis. Après cette introduction, destinée à piquer l’amour-propre national, venait la lettre du prétendu citoyen de New-York, caustique représaille des erreurs, des contradictions et des violences des journaux de Philadelphie.

Est-il besoin de dire que les épigrammes de Franklin ne corrigèrent point les journaux ? La fermentation était grande chez un peuple nouvellement appelé à l’indépendance et encore échauffé de la lutte ; les violences de la presse n’étaient que l’écho fidèle des passions populaires, et celles-ci parlaient trop haut pour que la voix de la raison pût se faire entendre. Du reste, malgré clés excès qui contristaient tous les esprits élevés et tous les bons citoyens, on n’aurait pu sans injustice envelopper toute la presse américaine dans un même arrêt de condamnation : quelques-uns de ses organes ne laissaient pas de rendre des services, et jusqu’en ce déclin rapide elle allait retrouver quelques jours d’éclat. Elle les dut à Alexandre Hamilton, qui, dans le tumulte des camps et accablé des occupations les plus diverses, trouvait le temps d’écrire pour éclairer ses concitoyens. La guerre avait révélé tous les inconvéniens du gouvernement improvisé qui régissait les États-Unis. L’absence de toute direction, le défaut d’unité dans le commandement, les conflits entre le congrès et les assemblées d’états, de continuels tiraillemens entre des autorités issues d’origines différentes, avaient en maintes occasions compromis la cause américaine. Hamilton fut un des premiers à se préoccuper du mal et à chercher le remède. Autour de lui, tous les esprits flottaient entre mille combinaisons chimériques ; le plus grand nombre songeaient à affaiblir encore la débile autorité du congrès ; les autres au contraire étaient prêts à faire bon marché de la souveraineté provinciale ; quelques-uns même pensaient à une monarchie. L’œil pénétrant d’Hamilton vit le salut de l’Amérique dans un meilleur partage d’attributions, qui laisserait l’administration aux assemblées locales et remettrait entièrement au congrès le règlement des intérêts généraux, — qui, en respectant l’indépendance mutuelle des anciennes colonies, substituerait une fédération durable à une alliance précaire. Il fonda un journal pour exposer ses idées, et il l’intitula le Continentaliste pour rendre hommage à sa thèse favorite de l’unité de la nation américaine. Plusieurs numéros de ce journal, ou plutôt de cette publication périodique, sont aujourd’hui introuvables ; ceux que l’on a conservés suffisent à faire connaître les vues de l’auteur : Hamilton y mettait à nu tous les défauts du gouvernement alors subsistant, et il y posait les bases de la constitution qui régit aujourd’hui les États-Unis.