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blié, sur le caractère et les tendances du gouvernement de Napoléon Ier une brochure qui fit sensation aux États-Unis, et qui eut un grand retentissement en Angleterre. Ce succès lui ouvrit l’entrée du Portfolio, recueil mensuel alors fort en vogue. Deux ans plus tard, en 1811, il publia le premier numéro de la Revue américaine, recueil trimestriel sur le modèle de la Revue d’Édimbourg ; mais il n’y avait point encore aux États-Unis assez d’esprits lettrés, assez de lecteurs d’élite pour faire subsister une publication de ce genre, et la première revue américaine put à peine achever sa seconde année. Sans se laisser décourager, M. Walsh fonda en 1817 un recueil mensuel consacré à la politique, à l’histoire et à la statistique, qu’il intitula l’American Register, et qu’il rédigea presque seul. Enfin en 1821 il s’associa avec M. William Fry pour fonder à Philadelphie, sous le nom de Gazette nationale, un petit journal du soir qui paraissait d’abord trois fois par semaine, mais qui devint bientôt quotidien. M. Walsh en fut le rédacteur en chef. Il y donna aussitôt l’exemple d’un langage élégant et poli, d’une polémique courtoise, qui savait allier la liberté de discussion avec le respect de toutes les convenances. En outre, s’inspirant de ce qu’il avait vu en Europe, M. Walsh ne laissa point envahir exclusivement son journal par la politique, les nouvelles locales et les annonces ; il fit une place, et une place considérable, à la littérature, aux sciences et aux beaux-arts. Il rendit compte des représentations théâtrales, il apprécia les livres publiés en Angleterre et aux États-Unis dans des articles qui attestaient beaucoup de savoir et de conscience, et un sens très droit et très ferme. C’étaient là autant d’innovations, et elles obtinrent le succès qu’elles méritaient. Le public fut charmé de trouver dans un journal une lecture instructive et variée ; il fallut agrandir le format de la Gazette nationale, qui compta bientôt plus d’abonnés qu’aucun journal de Pensylvanie, et qui commença même à se répandre dans les états voisins. C’est le premier et presque le seul exemple d’un journal américain qui ait trouvé des lecteurs en dehors de l’état dans lequel il se publiait. Pendant quinze ans, M. Walsh dirigea la Gazette nationale, et le succès de ce journal ne se démentit point. En 1837, obligé de se rendre en Europe pour rétablir sa santé altérée, M. Walsh vendit sa part de propriété ; il est venu se fixer en France, et après avoir été longtemps le correspondant parisien du National Intelligencer de Washington, il est aujourd’hui le correspondant très lu et très goûté du Journal du Commerce de New-York.

Le succès de la Gazette nationale fut contagieux : il apprit au public qu’un journal pouvait être une œuvre honnête, sérieuse et utile ; il apprit aux écrivains que, pour arriver à la popularité, s’adresser à l’intelligence valait mieux que flatter les passions ; il rendit le pu-