Placés au centre de la vie politique, les journaux de Washington peuvent suivre exactement les débats du congrès, en pressentir l’issue, en reproduire la physionomie : en outre ils sont à même, pendant toute la session, de recevoir les inspirations des chefs de parti, et ils se trouvent plus facilement et plus vite au courant des rivalités et des intrigues que ne manque jamais de faire naître l’approche d’une élection présidentielle. Cette double circonstance en rend la lecture indispensable aux hommes qui s’occupent de politique, elle leur assure une petite clientèle dans tous les états et leur donne ainsi un caractère d’universalité que n’ont point les journaux des autres villes. En effet, en dehors des chefs de partis qui ont intérêt à suivre le mouvement de l’opinion sur les divers points du territoire, et qui sont obligés de consulter assidûment les journaux des grandes villes, personne en Amérique n’a souci de ce qui se passe dans un autre état que le sien, de même qu’en France personne ne recherche les journaux du département voisin. C’est à peine si les feuilles des villes les plus considérables font exception à cette règle générale. Les journaux de Boston sont lus dans la Nouvelle-Angleterre, parce que le Massachusetts entraîne habituellement du côté où il penche le Maine, le Vermont et le Connecticut; les journaux de New-York sont assez répandus dans les états du centre et au Canada; ceux de Philadelphie pénètrent dans le sud et dans l’ouest : encore cela est-il vrai surtout des feuilles publiées en allemand, qui trouvent chez les nouveaux colons un débouché assuré. Un journal de New-York, le Herald, qui s’était posé franchement en défenseur de l’esclavage, a dû à cette circonstance une clientèle assez étendue dans quelques villes du sud, et spécialement à Baltimore et à Charleston. On voit, en somme, que les journaux les plus favorisés ne dépassent point un cercle assez restreint. On peut résumer ainsi la répartition de leur tirage : six dixièmes dans la ville même où ils se publient, trois dixièmes dans l’état, un dixième au dehors.
A part les causes déjà indiquées, les règlemens de la poste ont contribué à maintenir à la presse américaine son caractère purement local. Jusqu’à ces dernières années, la taxe était proportionnelle à la distance, et le journal le moins coûteux de New-York serait revenu très cher à un abonné de la Nouvelle-Orléans. Depuis 1853, la taxe est uniforme; elle est de 1 cent ou un peu plus de 5 centimes pour tout le territoire des États-Unis, sans excepter la Californie; mais elle n’est que d’un demi-cent dans l’intérieur de l’état où le journal se publie. Ajoutez que la poste ne distribue pas les journaux à domicile : il faut ou envoyer prendre chaque jour son journal, ou payer aux employés des postes une rétribution supplémentaire. Il y a donc tout avantage sous le rapport du prix, de la commodité et