partir en retour une impulsion prépondérante. Les journaux de Washington, où réside le président et où siège le congrès, doivent à leur position particulière certains avantages et certaines charges; mais, à tout prendre, l’importance de ces journaux s’efface devant celle des principales feuilles des grandes villes du littoral. Il est même à remarquer que le gouvernement américain n’a point jusqu’ici éprouvé le besoin d’un organe officiel et n’a attribué à aucun journal le rôle qui en France est l’apanage du Moniteur. Tout au plus peut-on dire qu’il existe une feuille semi-officielle. Cette situation a longtemps appartenu au National Intelligencer, dont l’établissement remonte à 1800, à l’installation même du gouvernement fédéral dans la capitale nouvellement fondée, et qui fut créé pour exposer et défendre la politique léguée par Washington à ses premiers successeurs. Malgré son origine fédéraliste et sa prédilection incontestable pour les whigs, le National Intelligencer a conservé pendant près de quarante ans des rapports plus ou moins étroits avec la présidence; mais en 1829, après la complète disparition des hommes qui avaient débuté dans la politique sous les auspices des fondateurs de la confédération, lorsque les partis se dessinèrent d’une façon plus tranchée et que la faveur populaire sembla bannir pour longtemps les whigs du pouvoir, les démocrates, victorieux avec le général Jackson, voulurent avoir à Washington un organe qui leur appartînt exclusivement, et le Télégraphe fut fondé à côté du National Intelligencer, qui, depuis lors, n’a plus été qu’un journal whig, rédigé avec talent et habileté, exclusivement consacré à la politique, — où l’on suit avec autant d’intelligence que d’exactitude le mouvement politique et littéraire de l’ancien monde, et qui se rapproche des journaux anglais plus qu’aucune feuille américaine. Le Télégraphe, qui avait remplacé le National Intelligencer dans le privilège des communications gouvernementales, a été à son tour dépossédé en 1834 par le Globe, auquel ont succédé depuis l’Union et la République. Maintenant presque chaque présidence voit naître un nouveau journal destiné à servir d’organe au ministère. Ce n’est pas que le gouvernement américain dispose de fonds à l’aide desquels il puisse contribuer à l’établissement d’un journal; mais au nombre des attributions du pouvoir exécutif est le droit de désigner l’imprimerie à laquelle sont confiées les publications officielles et les innombrables impressions que le congrès ordonne chaque année. Cette désignation équivaut à une fortune pour l’établissement qui en est l’objet, et aucun imprimeur ne croit acheter trop cher une pareille faveur en courant les chances de la fondation d’un journal à la rédaction duquel il est assuré de voir concourir les hommes influens du parti dominant.
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