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et il a fait la fortune de ses heureux fondateurs. On a vu pour la première fois aux États-Unis un journal assez riche pour se loger chez lui. La construction de l’immense édifice où le Sun a installé ses ateliers et ses bureaux a coûté 500,000 francs. Après s’être enrichi, le propriétaire du Sun, M. Benjamin Day, l’a vendu 250,000 dollars (1,250,000 francs), et ce prix n’a point paru excessif, puisque la vente quotidienne du journal couvre les dépenses et que les annonces, qui presque toutes sont affermées à l’année, donnent un bénéfice net de 1,500 francs par jour de publication, c’est-à-dire d’environ 500,000 francs par an.

Sans approcher de pareils résultats, les journaux à 2 cents sont également des entreprises lucratives. Comme le Sun, ils attendent des annonces tout leur bénéfice, mais ils s’imposent pour la rédaction des sacrifices beaucoup plus considérables. Les deux plus prospères sont le Herald et la Tribune, qui, outre l’édition du matin, publient une édition du soir et une édition hebdomadaire, et dont le tirage total, sous ces diverses formes, s’élève jusqu’à 20 et 25,000 numéros. La Tribune, rédigée par M. Horace Greeley, date de 1841. Le 11 avril 1853, jour où elle accomplissait sa douzième année, elle a pris le format des plus grands journaux de New-York, c’est-à-dire qu’elle a paru sur huit pages, et ses propriétaires, en annonçant ce changement, déclaraient que le coût seul du papier sur lequel ils imprimaient leur journal dépassait la valeur de l’abonnement. C’est donc uniquement le produit des annonces qui couvre les frais de rédaction et d’impression, ainsi que toutes les dépenses de l’entreprise. On rattache généralement la Tribune au parti whig; mais elle est avant tout l’organe des doctrines socialistes. Elle a été longtemps l’avocat assidu du fouriérisme, et il n’est guère d’utopie venue d’Europe qui ne trouve dans ses colonnes un accueil empressé. Le Herald est aujourd’hui avec le Sun le doyen de la presse à bon marché; mais ce n’est point à cette circonstance qu’il doit d’être incontestablement le journal américain le plus connu et le seul répandu en Europe. Le procédé employé par son fondateur a été des plus simples : sans attendre les abonnemens, sans réclamer un échange que les exigences de la poste auraient rendu difficile et onéreux, il a adressé gratuitement son édition hebdomadaire aux principaux journaux d’Europe, aux clubs et aux cercles en renom. Il a poussé l’obligeance plus loin : il a fait pour l’Europe un tirage spécial de cette édition, afin d’y introduire un résumé des nouvelles américaines de la semaine, condensées avec soin. Les journaux sont œuvre d’improvisation, on y aime la besogne facile et surtout la besogne toute faite : les écrivains européens, généralement peu au courant des affaires américaines, ont transcrit purement et simplement les résu-