Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/301

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cain. Nous ne saurions nous faire une idée du développement qu’ont pris les annonces au-delà de l’Atlantique. On se récrie bien souvent sur la prodigieuse quantité d’annonces que publient les journaux anglais, et les huit pages que le Times distribue à ses abonnés en sus de leur numéro régulier paraissent la dernière limite du possible. Cependant on n’évalue pas à plus de 2 millions par an le nombre des annonces publiées par tous les journaux anglais réunis, et en portant à 10 millions le nombre de celles que publient annuellement les feuilles américaines, on est plutôt au-dessous qu’au-dessus de la vérité. Nous ne saurions trop le répéter, les journaux américains n’existent que par les annonces et que pour elles. On n’en saurait juger par les numéros des feuilles de Boston ou de New-York qui parviennent en Europe. Les journaux à 2 cents donnent à leurs lecteurs quatre pages de matière et quatre pages d’annonces ; les journaux à 1 cent consacrent aux annonces trois pages sur quatre. À mesure que l’on s’éloigne des bords de l’Atlantique, où le public a certaines exigences littéraires et où la concurrence commande d’offrir quelque pâture au lecteur, la part faite aux annonces va toujours en augmentant. Ainsi Saint-Louis du Missouri, ville de 44,000 âmes et métropole d’un état, possède un journal quotidien plus grand de format que le Times, imprimé en caractères beaucoup plus serrés et plus fins, mais qui est tout entier, sauf quatre colonnes, envahi par les annonces. Du reste, cette multiplication prodigieuse des annonces s’explique par l’absence de tout autre moyen de publicité et par un bon marché extrême. Une annonce de quatre lignes coûte 25 cents la première fois, et elle peut être répétée indéfiniment à raison de 12 cents par fois. Des arrangemens interviennent en outre entre les habitués et le journal, et il n’est pas rare dans l’ouest de voir le prix des annonces acquitté en nature. Cependant le mode le plus usité parmi les commerçans et les industriels consiste à louer à l’année un emplacement spécial, et toujours le même, dans un journal. Le locataire dispose souverainement de l’espace qui lui est attribué par son marché ; il peut faire usage d’une petite vignette représentant un bateau à vapeur, un cheval, une charrue, une botte, suivant qu’il est armateur, éleveur, mécanicien ou bottier. Il peut faire imprimer son annonce en renversant les caractères de telle sorte qu’il faille retourner le journal pour la lire, ou diagonalement, la disposer en losange ou en rond, la rédiger en prose ou en vers : c’est pour lui une affaire de goût, et le journal, à qui ces fantaisies rapportent le plus clair de son revenu, n’a garde de les décourager.

Si, dans les dépenses des journaux américains, les frais de rédaction entrent pour une très faible part, les frais matériels sont