assez considérables[1]. Une des plus fortes dépenses des journaux américains leur est imposée par les innombrables dépêches télégraphiques qui en remplissent les colonnes. En vain les tarifs du télégraphe sont-ils infiniment moins élevés aux États-Unis qu’en Europe, les frais demeurent très considérables. Les cinq journaux à 2 cents de New-York se sont associés pour recevoir en commun l’analyse des débats du congrès de Washington, le compte-rendu des séances de l’assemblée législative à Albany, le résultat des élections, etc., et la dépense s’élève annuellement à 100,000 dollars, soit plus de 500,000 francs. Cela ne dispense pas chaque journal de consacrer des sommes très fortes aux dépêches particulières qui lui sont expédiées par ses correspondans. Comme les paquebots anglais doivent toucher à Halifax avant de venir à New-York, les feuilles de cette dernière ville envoient à frais communs ou séparément des bateaux à vapeur attendre les paquebots à la hauteur de Terre-Neuve, pour rapporter directement à New-York les paquets à leur adresse. Il n’est guère de journal américain qui n’entretienne à Halifax un correspondant chargé de lui transmettre par le télégraphe, aussitôt après l’arrivée de chaque paquebot, l’analyse des nouvelles d’Europe.
Après les dépêches télégraphiques, la dépense la plus considérable des journaux des États-Unis est leur correspondance. Non-seulement ils ont sur les points principaux du territoire des correspondans, avec mission de recourir au télégraphe et d’écrire chaque fois qu’un événement se produit, mais ils en ont également en Europe et dans toutes les villes un peu importantes de l’Amérique du Sud. Les journaux anglais se contentent des nouvelles du continent européen : un journal américain est comme un panorama du monde entier, il
- ↑ On nous permettra de citer à ce sujet quelques détails purement techniques. Le papier qu’emploient les éditeurs américains, si léger et si mince qu’il soit, est plus résistant qu’il ne parait; il est en général d’une nuance agréable à l’œil et propre à faire ressortir l’impression. Le caractère, quoique très fin, est toujours fort lisible; l’impression est nette et d’une belle venue. Le mérite est ici d’autant plus grande qu’il s’augmente de la difficulté vaincue. La concurrence impose en effet l’obligation d’un tirage extrêmement rapide : il faut pouvoir mettre en vente une seconde ou une troisième édition une heure au plus tard après l’arrivée d’un paquebot d’Europe ou la réception d’une nouvelle importante. Aussi, sous ce rapport, les journaux des États-Unis laissent loin derrière eux leurs confrères européens et le Times lui-même. La Tribune et le Herald se servent de presses à cylindres horizontaux qui impriment régulièrement 10,000 exemplaires à l’heure; mais les presses du Sun, qui paraissent jusqu’ici le dernier mot de la mécanique, peuvent tirer jusqu’à 20,000 feuilles à l’heure, et le tirage moyen de ces presses n’est jamais au-dessous de 18,000 feuilles. Elles impriment donc de 5 à 6 feuilles par seconde : c’est une rapidité qui confond l’imagination. On n’obtient de pareils résultats qu’avec des machines puissantes, d’un établissement et d’un entretien très coûteux, et qu’au prix d’une usure très rapide du caractère.