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clétien et de plaindre les chrétiens envoyés au supplice. Il n’y a pas deux justices. Si Charles IX a pu, sans mériter l’exécration de la postérité, verser le sang des huguenots, les empereurs romains ont pu, sans appeler notre haine sur leur mémoire, verser le sang des chrétiens et les jeter aux lions dans le cirque frémissant de joie. M. Poirson, comme tous les cœurs généreux, comme tous les esprits droits, condamne et maudit Charles IX; pour éclairer pleinement la conduite de Henri IV, il eût bien fait de développer ce qu’il avait dit dans son précis. Enfin il était de son devoir d’insister sur l’avilissement de la royauté dans la personne du dernier Valois pour expliquer la hardiesse des ligueurs et les espérances de l’Espagne. Henri III appelait sur sa tête le mépris de la France; ses mœurs dissolues, le scandale de ses débauches et la puérilité de sa dévotion le rendaient indigne du trône. M. Poirson, en esquissant le règne du dernier Valois, eût donné plus de relief au règne du premier Bourbon. Comme la substance des prolégomènes réclamés par le sujet de son nouveau livre se trouve dans son précis d’histoire de France, les lecteurs ne peuvent mieux faire que de consulter ce dernier ouvrage pour se préparer à l’intelligence du règne de Henri IV. Ils apprendront en quelques jours ce qu’ils ont besoin de savoir pour saisir la cause et l’enchaînement des faits. S’ils négligent de s’éclairer par cette étude préliminaire, ils assisteront aux batailles, ils suivront les négociations, mais ils ne réussiront pas à démêler l’origine des événemens. Ignorant le caractère des personnages entre qui s’engage la lutte, ils seront réduits aux conjectures.

Avant d’entamer l’histoire du Béarnais, M. Poirson esquisse en quelques pages l’état de l’Europe dans les dernières années du XVIe siècle. Pour ceux qui ont appris ailleurs ce qu’il rappelle, c’est un tableau plein de précision et d’intérêt; mais ce tableau n’est pas à la portée de tous les lecteurs. L’auteur a cru faire tout ce qu’il devait, et sa confiance est d’autant plus excusable, que son nom se rattache à la renaissance des études historiques dans notre université. Par son enseignement oral, par ses livres, il a puissamnient contribué à propager parmi la jeunesse la connaissance du passé. C’est un mérite que personne ne lui contestera. Comme il ne sépare pas notre histoire de l’histoire générale de l’Europe, il se contente de rappeler ce qu’il croit connu de ses lecteurs. Je voudrais pouvoir lui donner raison et dire que la génération instruite par ses leçons sait encore aujourd’hui ce qu’elle apprenait il y a trente ans; mais je suis forcé de reconnaître et d’avouer que M. Poirson a trop présumé de la mémoire de ses auditeurs. L’état de l’Espagne et de l’Italie, de l’Allemagne et de l’Angleterre pendant le XVIe siècle n’est pas un sujet familier à tous les esprits. Si je voulais apporter