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jour contre l’assassinat politique et contre l’une de ces odieuses tentatives de meurtre qui assaillirent si souvent le roi Louis-Philippe dans ses luttes soutenues au grand jour sous le feu des factions? Elle protestait dans des épanchemens particuliers qui prenaient vraiment la forme d’une remontrance; ses injures étaient pour le roi et pour ceux qui le défendaient; ses enthousiasmes étaient pour le meurtrier Alibaud, qu’elle appelait « un homme des temps antiques,... un héros dont le nom sera mis dans l’histoire à côté de Frédéric Stabs, » et elle appelait cela parler de conviction ! « Je vous ai dit, reprenait-elle, que je vous laissais la théorie du système en général. Proscrivez l’assassinat politique, si cela vous plaît et si vous aimez les rois, peu m’importe; mais vous ne deviez pas toucher à la personne sacrée d’Alibaud. Vous ne deviez pas répéter les calomnies infâmes que le gouvernement faisait publier contre lui... Ce qu’il y a de pire au monde, c’est d’être lâche, et lâches sont ceux qui flétrissent le seul homme de cœur qui soit en France... Rien ne me fera changer d’avis. » Mme Sand trouvait insupportable que dans cette Revue même on pût appeler Alibaud un assassin, et qu’on ne pût pas dire « que Mme de Staël est ennuyeuse : » tant il est vrai que dans cette atmosphère irritante et lourde des passions démocratiques, où elle se plongeait chaque jour davantage, elle avait rapidement contracté le goût littéraire et le sentiment de la grande moralité sociale et politique!

Malheureusement cet accent de déclamation n’a fait que persister, et il éclate en plus d’une page de l’Histoire de ma Vie, non à propos des régicides il est vrai, mais à propos de tous les chefs de séditions. L’auteur n’y va pas de main légère pour peindre un homme de son choix. Cet homme est grand, héroïque, il s’élève jusqu’à la sainteté... « C’est du silence de cette âme profondément humble et pieusement résignée qu’est sorti le plus pur et le plus éloquent enseignement à la vertu qu’il ait été donné à ce siècle de comprendre... Ses lettres sont dignes des plus beaux temps de la foi... Il s’est assimilé la force du stoïque unie à l’humble douceur du vrai chrétien... C’est par là que sans être créateur dans la sphère des idées il s’est égalé sans le savoir aux plus grands penseurs de son époque... Son cœur est le miroir de la vérité, une pierre de touche pour les consciences délicates, etc.. » De qui est-il donc ici question? Est-ce de quelque saint, de quelque héros méconnu? Il s’agit d’un des plus célèbres factieux du temps, d’un personnage plusieurs fois condamné sous la monarchie et sous la république. Mme Sand s’est accoutumée à ce langage, et elle le parle comme un langage naturel. Ce n’est point sans doute qu’elle soit une révolutionnaire bien menaçante; c’est tout simplement le signe d’une intelligence qui a eu le malheur de venir au monde avec le goût du faux, et qui ne s’est jamais guérie