ractère, nous pourrons exercer le droit du plus fort; mais l’autorité morale, celle que la religion et la supériorité intellectuelle devraient partout donner à la société chrétienne, nous ne devons pas y prétendre.
L’autorisation légale fut donc repoussée. L’empereur pourtant n’ignorait pas à quel point l’usage de l’opium était répandu parmi ses sujets, il plaisantait même ses mandarins sur leur goût pour cette substance : Keing, son parent et son ami, le signataire des traités avec les Européens, ne se cachait pas pour fumer sa pipe d’opium: mais le gouvernement impérial ne crut pas pouvoir braver les scrupules des classes puritaines de la population, scrupules assez forts pour que les chefs insurgés les aient aussi respectés plus tard en frappant l’opium d’interdiction. Donner à ce commerce une entrée légale eût été en outre faire une exorbitante concession aux barbares, et le pouvoir du fils du ciel craignit d’y perdre une partie de son prestige. Il se détermina en conséquence à tenter un grand effort pour supprimer le mal avec lequel il ne voulait point pactiser, et après quelques avanies, signes précurseurs de l’orage, éclata, en 1839, la crise qui a amené la guerre entre les Anglais et les Chinois.
On connaît les événemens qui survinrent alors : les Anglais ne voulaient pas abandonner le commerce de l’opium. Cette denrée, produit exclusif de l’Inde, y est l’objet d’un monopole qui donne à son gouvernement un revenu annuel de 75 millions de francs. Ce droit énorme acquitté, l’opium s’en va en Chine solder l’excédant de valeur des exportations chinoises sur les importations anglaises; il solde aussi le compte du commerce américain, et en 1847 il laissait encore à la charge de la Chine une balance de 50 millions environ à fournir en numéraire[1]. Or la valeur du thé et de la soie tirés de la Chine est de plus de trois fois la valeur des importations régulières faites par le commerce européen. On conçoit donc le rôle important joué par l’opium dans ce mouvement d’échange. On conçoit également que de si grands intérêts troublés aient amené la guerre.
Cette guerre, tout le monde en sait l’histoire; on n’en a oublié ni le principe si regrettable, ni les phases, suivies par l’Europe avec tant d’intérêt. Commencée mollement, avec hésitation, comme lorsqu’on touche à une chose toute nouvelle, elle a été terminée brillamment, par des opérations conduites avec une vigueur qui fait le plus grand honneur aux chefs et aux subordonnés. Le résultat a été un traité de paix par lequel la Chine s’avouait vaincue, payait les
- ↑ Rapport de M. Mac-Gregor, consul anglais à Canton, 15 février 1847, et de M. Alcock, consul à Shanghaï, transmis de Hong-kong, 14 avril 1848.