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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/579

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thermes de trois côtés, et dans les vignes voisines encore quelques dépendances. L’imagination est d’abord étourdie de tant de grandeur. Si l’on entre maintenant dans l’enceinte de murailles qui subsiste presque tout entière, on remarque bientôt l’ordonnance et la symétrie des salles qu’elle renfermait. Aux deux extrémités, deux cours entourées de portiques ; dans l’espace qui les sépare, une salle immense, qui était la grande piscine pour les bains froids ; du côté de la palestre, une salle ronde ; entre ces deux salles, le calidarium pour les bains chauds : telles sont les parties principales de ces thermes, qui comprenaient en outre plusieurs salles plus petites, des chambres de bain, divers lieux de promenade et de récréation. Le tout couvrait un espace dont la circonférence a près d’un mille. L’étendue de ces thermes fait comprendre l’expression hyperbolique d’Ammien Marcellin : des bains qui semblent des provinces. Spartien les appelle très magnifiques.

Tout ce qu’on sait de ces thermes et tout ce qu’on en voit encore atteste en effet leur extrême magnificence. La couverture d’une des salles, la cella solearis, était formée par des barres de bronze et de cuivre d’une telle étendue que les plus doctes mécaniciens ne pouvaient concevoir comment il avait été possible de la construire ainsi. Les ornemens de l’intérieur ont été enlevés, mais on peut encore en admirer plusieurs dans les divers endroits où on les a dispersés. Deux énormes vasques de granit placées devant le palais Farnèse, et qui servent aujourd’hui de fontaine, furent trouvées dans les thermes de Caracalla, ainsi que diverses statues célèbres, l’Hercule Farnèse, le groupe appelé Taureau Farnèse, la Flore et la Vénus du musée de Naples. Les curieuses mosaïques représentant des portraits de gladiateurs, qui ont été transportées au musée de Saint-Jean-de-Latran, formaient le pavé de l’une des salles. Au XVe siècle, les thermes de Caracalla n’avaient pas été entièrement dépouillés, le Pogge y admirait encore une multitude de colonnes et des marbres de toute espèce. Maintenant les murailles sont mies, sauf quelques fragmens de chapiteaux oubliés par la destruction ; mais elles conservent ce que seules des mains de géant pourraient leur ôter, leur masse écrasante, la grandeur de leurs aspects, la sublimité de leurs ruines. On ne regrette rien quand on contemple ces énormes et pittoresques débris, baignés à midi par une ardente lumière ou se remplissant d’ombres à la tombée de la nuit, s’élançant à une immense hauteur vers un ciel éblouissant, ou se dressant, mornes et mélancoliques, sous un ciel grisâtre, — ou bien, lorsque, montant sur la plate-forme inégale, crevassée, couverte d’arbustes et tapissée de gazon, on voit, comme du haut d’une colline, d’un côté se dérouler la campagne romaine et le merveilleux horizon de montagnes qui