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nouveaux blessés, et semble bien démontrer que la ville de Sébastopol, défendue alors par une garnison de 32,000 hommes[1] et par l’armée de secours placée sous les ordres du prince Menchikof, n’aurait pu être enlevée par un coup de main. Les évacuations de la Crimée sur Constantinople se succèdent rapidement. Dans le mois d’octobre, on ouvre deux hôpitaux fort importans, — l’un pour 1,200 malades à Ramis-Tchiflik, belle caserne située dans la plaine de Daoud-Pacha, — l’autre sur les hauteurs qui dominent le Bosphore, du côté de Péra, dans les bâtimens de l’école préparatoire, disposés pour recevoir 400 lits. Les mois suivans, on installe de nouveaux hôpitaux. Dans les grands jardins de la pointe du Vieux-Sérail, à Gulhané, le génie militaire élève des baraques pour 1,800 malades. Au-dessus de celles-ci, le palais de l’université, édifice monumental en pierres de taille et encore inachevé, est disposé pour un hôpital de l,400 lits. Ces deux établissemens, créés dans le quartier de la vieille aristocratie ottomane, au cœur de Stamboul, indiquent à quel degré de tolérance étaient arrivés les Turcs à notre égard. Dans le faubourg de Péra, on ajoute aux hôpitaux précédemment établis celui de l’école militaire, d’une contenance de 1,100 lits, réduits bientôt à 500 par un incendie, et celui du terrain des manœuvres, contenant 1,200 places sous baraques. La caserne de Daoud-Pacha, affectée d’abord à un dépôt de convalescens, devient elle-même un hôpital de 1,200 malades. Tandis qu’on créait de si grandes ressources pour le service hospitalier, on dressait à Maslak, sur les hauts plateaux profondément ravinés qui bordent le littoral du Bosphore, des camps baraqués pour 25,000 hommes, qui ont été d’un secours inappréciable au moment du typhus. La pharmacie centrale, chargée de pourvoir au service médical de Crimée et de Constantinople, était installée sur le bord de la mer, près de Bachistach, dans le vaste hôtel d’un pacha.

Les deux tiers environ des fiévreux reçus dans les hôpitaux de Constantinople étaient atteints de diarrhée ou de dyssenterie. La diarrhée a été si générale, que l’on peut dire que les maladies étaient presque toutes précédées par une diarrhée à l’état aigu et terminées par une diarrhée à l’état chronique. Cette funeste complication n’est pas un fait particulier à l’armée d’Orient; on l’observe dans toutes les armées en campagne : elle tient au genre de vie du soldat, à la mauvaise nourriture, à la nostalgie, à mille influences qu’il n’est pas toujours possible de prévenir. La dyssenterie a presque toujours pour phénomène initial une diarrhée plus ou moins intense, dont

  1. Dont 21,000 marins, rendus disponibles par l’échouement des vaisseaux qui avaient servi à barrer la rade.