l’un, plus élevé, était l’hôpital de l’artillerie de la garde ottomane; l’autre, à 100 mètres plus bas, contenait 600 lits. Les navires arrivant de Crimée mouillaient à l’entrée de la Corne-d’Or, près de Top-Hana. Les blessés, placés sur des chalands et conduits au débarcadère de Dolma-Baktché, étaient emportés sur des brancards par des infirmiers ou des soldats turcs. Du 24 septembre 1854 au 1er avril 1856, cet hôpital a reçu 8,582 malades, presque tous blessés; il en est mort 2,318. La direction de cet important service avait été confiée à un chef fort habile, M. Le docteur Salleron.
Les officiers blessés à l’Alma inaugurèrent de leur côté l’hôpital de Caulidjé, sur la côte d’Asie, et dont le pied baigne dans les eaux du Bosphore. Le vice-roi d’Egypte avait mis libéralement à notre disposition ce domaine, qui lui sert de maison de plaisance. Les beaux jardins accidentés, l’air pur, les élégans kiosques font de ce site un séjour enchanteur. A côté se trouvait le palais de Fuad-Pacha, ministre des affaires étrangères. Deux jeunes Arméniennes de son harem mirent en défaut la vigilance des eunuques. Leurs chants, les sons de leurs pianos avaient attiré l’attention de deux aides-majors qu’elles voyaient, à travers le grillage de leurs fenêtres, épier leur présence; elles s’éprirent de leurs admirateurs, et réussirent même un beau jour à s’évader sous le costume d’un des fils du pacha. Le lendemain elles étaient réintégrées dans leur prison. Cette escapade aurait eu les proportions d’un événement sans la prudence de Fuad-Pacha, qui se contenta de reprendre les fugitives. On n’en a pas moins prétendu, mais à tort, je n’en doute pas, que, suivant la coutume ottomane, ces deux infortunées furent renfermées dans un sac et jetées dans le Bosphore. Plus tard, les officiers blessés quittèrent l’hôpital de Caulidjé pour l’hôtel de l’ambassade russe; les deux ou trois cents lits installés dans le palais de Mehemmed-Ali furent affectés aux soldats.
On se rappelle que l’armée alliée n’avait, en mettant le pied sur le sol de la Crimée, que des canons de campagne tout à fait incapables de lutter contre les grosses pièces d’artillerie de marine qui la bombardaient du fond de la rade de Sébastopol. Il fallut se préparer à un siège en règle. Les travaux d’investissement et de circonvallation sont vivement poussés; de nombreux bataillons et des compagnies de francs-tireurs protègent les travailleurs. Nuit et jour, une moitié de l’armée est exposée à la mitraille et aux intempéries, pendant que l’autre moitié se repose un moment pour reprendre son tour. De nouvelles troupes arrivent journellement et grossissent encore le chiffre des malades. D’autre part, l’insuccès du feu ouvert le 17 octobre 1854 contre la place par les vaisseaux des deux flottes combinées et par 126 pièces de siège mises en batterie amène de