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rapidement recouvré la santé, et n’auraient pas fourni plus tard au typhus un contingent trop considérable.

Je viens de nommer la seconde et la plus terrible des épidémies que nous eûmes à combattre en 1856. On avait observé et on connaissait depuis longtemps une maladie qui se développe spécialement parmi des populations agglomérées dans des enceintes fermées et soumises à l’action d’influences miasmatiques. On l’appelait la maladie des camps, des prisons, des vaisseaux, des hôpitaux, la fièvre de Hongrie, de Naples, le typhus contagieux de Mayence. On lui assignait comme principaux caractères la stupeur avec délire, une éruption à la surface du corps, la faculté de se transmettre d’un individu affecté à un individu sain et bien portant. Les apparitions que depuis trente années ce mal a faites dans le duché de Posen, à Reims, à Philadelphie, à Edimbourg, au bagne de Toulon, et en 1854 dans les prisons de Strasbourg, avaient heureusement été trop rapides et trop restreintes pour permettre de bien saisir les différences qui le séparent de la fièvre typhoïde, si attentivement étudiée de nos jours. Le typhus de Crimée a résolu la question d’identité ou de non-identité entre les deux affections; il n’est plus possible de les confondre, bien qu’elles aient plus d’un lien de parenté et une apparente communauté d’origine[1]. On s’accorde généralement à reconnaître que le typhus a pour cause une intoxication miasmatique animale, résultant soit d’une trop grande agglomération d’hommes renfermés, soit de la décomposition putride de détritus animaux. En conséquence, cette maladie se déclare sur les vaisseaux, dans les casernes, les camps, les prisons, les hôpitaux, les ambulances peuplées de blessés, dont les plaies sont la source d’abondantes suppurations. Elle se montre dans les villes assiégées, dans certaines localités infectées par des cadavres d’animaux ou d’hommes laissés sans sépulture. Il y a cette différence entre les deux maladies, que la misère est la cause essentielle du typhus, et qu’elle n’est guère qu’une cause accidentelle de la fièvre typhoïde[2].

La contagion, encore très contestable pour cette dernière affection, ne l’est pas pour l’autre. Nous avons vu, notamment dans le service de M. Le médecin-major Lallemand, le typhus se propager de lit en lit

  1. Voyez le mémoire publié le 2 juin 1856 dans les comptes-rendus de l’Académie des Sciences. Les observations que j’ai réunies dans ce mémoire ont été reproduites depuis par des écrivains qui ont oublié de dire où ils les ont puisées. Je ne m’en plains pas, ils m’ont du moins aidé à propager la vérité.
  2. Les auteurs s’accordent sur la non-récidive de la fièvre typhoïde. Deux médecins, MM. Lardy et Laval, ont succombé au typhus, bien qu’ils eussent eu quatre ou cinq ans auparavant la fièvre typhoïde, dont on a pu retrouver les traces dans la cicatrice d’ulcères intestinaux. C’est encore là une preuve de la non-identité du typhus et de la fièvre typhoïde.