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dans les salles, se transmettre par voisinage et donner la mort à des malades qui n’avaient auparavant que de légères affections. D’autres fois, comme dans l’ambulance de la 1re division du 3e corps, le typhus a atteint presque tout le personnel hospitalier : 15 médecins sur 16 ont été attaqués; il n’est pas resté un seul infirmier valide. Le mot contagion, quand on l’emploie à propos de typhus, doit cependant être expliqué. Le typhus, né spontanément sous l’influence de certaines causes, ne se transmet pas par contact d’un malade à un individu sain, mais bien par infection, c’est-à-dire par l’air chargé de l’élément typhique. Le miasme morbifère exhalé de la surface des malades ou des détritus animaux infecte l’homme qui le respire, et une fois absorbé pendant un temps plus ou moins long, appelé période d’incubation, il prépare l’organisme à devenir malade.

Le typhus diffère sur un point de la plupart des maladies épidémiques telles que la variole, la scarlatine, la rougeole, la suette, le choléra, etc. Celles-ci tiennent à des conditions encore mal déterminées de l’atmosphère; le médecin ne possède aucun moyen d’en empêcher l’invasion. Les causes du typhus au contraire sont connues, à tel point qu’on pourrait faire naître et cesser à volonté l’influence typhique. Une autre différence à signaler entre le typhus et les maladies épidémiques ordinaires, c’est que celles-ci n’ont qu’une durée passagère, tandis que le typhus persiste et étend indéfiniment ses ravages tant que, par de sages mesures, on ne s’en est pas rendu maître.

Le typhus éclate plus ou moins vite selon l’intensité de l’infection et la résistance de l’organisme. Chaque malade dégage des émanations dangereuses. Quand les salles sont pleines, quand le nombre des cas de typhus primitif ou contracté augmente, le foyer épidémique acquiert une plus grande énergie, et ses manifestations irradient sur tout le personnel hospitalier. C’est ainsi que les sœurs, les aumôniers, les médecins, les infirmiers, ont été si cruellement frappés pendant la guerre d’Orient. Nous avons vu quelques médecins, moins prédisposés, doués d’une plus grande force de réaction ou d’élimination du miasme absorbé, subir l’influence épidémique d’une façon peu marquée, mais réelle. Chaque fois que le foyer d’infection avait augmenté dans l’hôpital par l’accroissement du chiffre des typhiques, ils étaient pris de céphalalgie, d’insomnie; la langue se desséchait, la physionomie prenait un aspect typhoïde. Ces accidens duraient trois ou quatre jours, puis le voile typhique se déchirait. Ils revenaient à l’état de santé; quelquefois aussi l’état morbide persistait, et presque toujours alors l’issue était fatale.

La marche du typhus de Crimée a été moins uniforme et moins régulière que celle du typhus si bien décrit par Hildenbrand, un des