du siècle. On pouvait parler ainsi à l’époque où les Roumains n’avaient pas encore retrouvé leurs traditions. Pour qui connaît les aspirations ardentes des chrétiens de l’Europe orientale, c’est le contraire qui est vrai. Les Moldo-Valaques ne sont plus placés seulement comme autrefois entre les Turcs et les Russes : fils des colons de Trajan, frères des nations néo-latines, héritiers d’Etienne le Grand et de Michel le Brave, ils savent qu’ils appartiennent à la civilisation libérale, et c’est en nous qu’ils ont mis leur espoir. Les Moldo-Valaques sont placés désormais entre la Russie et l’Europe occidentale. Tant que cette Europe s’intéressera à leurs destinées, on n’a rien à craindre de la propagande moscovite sur le Danube. Supposez au contraire que la France ferme l’oreille à leurs plaintes, c’est alors que l’influence russe serait bien forte, et qui sait si dans un moment de désespoir les hommes qui nous tendent les bras aujourd’hui ne préféreraient pas la suzeraineté des tsars au protectorat des Ottomans? On verrait recommencer du moins, la chose est trop certaine, cette période de défaillance et d’anarchie où le sentiment national de la Roumanie semblait évanoui pour toujours. Ce foyer s’est rallumé; ne le laissons pas s’éteindre.
L’exemple de la Bohême jette une vive lumière sur ces questions. Voilà un peuple, non pas d’origine latine comme les Roumains, mais de race slave, et uni par l’Autriche à la civilisation de l’Occident. Les Tchèques de Bohême, en même temps et aussi vivement que les Moldo-Valaques, ont réveillé leur langue, leurs traditions, leur histoire, et réclament une place au soleil. Or en 1848, au moment où l’esprit révolutionnaire disloquait la monarchie des Habsbourg, le cabinet de Vienne, effrayé du péril, comprit qu’il fallait se rattacher les Tchèques; le chef du mouvement national de la Bohême, l’illustre historien Franz Palacky, fut appelé au portefeuille de l’instruction publique, et on put espérer un instant que, la Bohême obtiendrait ce qu’elle demande encore, une administration distincte, une existence nationale, des droits pareils à ceux que la Hongrie a possédés si longtemps. Quel fut le résultat de cette politique trop vite abandonnée? On vit les Tchèques reconnaissans s’attacher avec amour à cette monarchie en péril; l’Autriche n’eut pas de meilleur soutien pendant la crise qui suivit immédiatement la révolution de mars, et le parlement de Francfort, qui voulait affaiblir l’Autriche au profit d’une Allemagne unitaire, ayant invité M. Palacky à siéger dans son sein, le noble historien lui adressait ces remarquables paroles : « Je vous remercie de votre appel, mais je ne puis y répondre. Je ne suis pas Allemand, je suis Slave; il n’y a pas de place pour moi dans une assemblée allemande. De plus, vous voulez affaiblir l’Autriche, vous voulez la soumettre à un pouvoir central, république ou empire, qui dictera ses arrêts à l’Allemagne