descendit sur une montagne, se façonna une gigantesque pipe en terre rouge et fuma le calumet de paix. Averties par les nuages qui sortaient de la pipe divine, toutes les tribus environnantes vinrent au signal du Grand-Esprit.
« Descendant les rivières, traversant les prairies, les guerriers de toutes les nations arrivèrent : les Delawares et les Mohawks, les Choctaws et les Comanches, les Shoshonies et les Pieds-Noirs, les Mohicans et les Dacotahs, les Hurons et les Ojibways, tous les guerriers arrivèrent, attirés simultanément par le signal du calumet de paix aux montagnes de la prairie, à la grande carrière de terre de pipe rouge.
« Et ils se tenaient sur la prairie, avec leurs armes et leur équipement de guerre, peints comme les feuilles d’automne, peints comme le ciel du matin, se regardant sauvagement en face. Sur leurs visages éclatait une cruelle défiance, dans leurs cœurs les querelles des siècles, les haines héréditaires, la soif de vengeance, legs des ancêtres.
« Gitche-Manitou, le tout-puissant, le créateur des nations, les regarda avec compassion, avec une tendresse et une pitié paternelles, contempla leurs colères et leurs luttes comme des querelles et des combats d’enfans.
« Sur eux, il étendit sa main droite, pour soumettre leurs natures obstinées, pour éteindre leur soif et leur fièvre par l’ombre de sa main droite ; il leur parla avec une voix majestueuse, semblable au retentissement des eaux lointaines tombant dans les profonds abîmes :
« O mes enfans, mes pauvres enfans ! écoutez les paroles de la sagesse, écoutez ces paroles de conseil des lèvres du Grand-Esprit, du maître de la vie qui vous forma.
« Je vous ai donné des terres pour chasser, je vous ai donné des ruisseaux pour pêcher, je vous ai donné l’ours et le bison, je vous ai donné le chevreuil et le renne, je vous ai donné la bernache et le castor, j’ai rempli vos marais d’oiseaux sauvages, j’ai rempli vos rivières de poissons. Pourquoi donc n’êtes-vous pas contens ? Pourquoi vous faites-vous mutuellement la chasse ?
« Je suis fatigué de vos querelles, fatigué de vos guerres et du sang répandu, fatigué de vos prières où vous me demandez vengeance, de vos disputes et de vos dissensions. Toute votre force est dans votre union, tout votre danger est dans la discorde ; c’est pourquoi vivez en paix désormais, comme des frères vivent entre eux.
« Je vous enverrai un prophète, un libérateur des nations, qui vous guidera et vous enseignera, qui travaillera et souffrira avec vous. Si vous écoutez ses conseils, vous multiplierez et prospérerez ; si vous laissez passer sans y prendre garde ses avertissemens, vous disparaîtrez et vous périrez !
« Baignez-vous dans le courant qui est devant vous ; lavez les peintures guerrières qui vous couvrent le corps, lavez les taches de sang qui souillent vos doigts, enterrez vos armes et vos massues de guerre, brisez la pierre rouge de cette carrière, pétrissez-la et faites-en des pipes de paix ; prenez les roseaux qui croissent auprès de vous, ornez-les de vos plumes les plus brillantes, fumez le calumet ensemble, et vivez désormais ensemble comme des frères. »