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pacifique. « Toutes vos prières sont entendues dans le ciel, Hiawatha, car vous ne priez pas, comme les autres, pour être plus habile à la chasse, pour être plus rusé à la pêche, pour obtenir le triomphe dans la bataille ou un grand renom parmi les guerriers, mais pour le profit du peuple, pour l’avantage des nations. » Aussi tous ses vœux sont exaucés. Après avoir passé en revue toutes les substances tant animales que végétales dont se nourrit l’homme, Hiawatha pensa qu’il devait y avoir une nourriture plus salubre que celles qu’il connaissait, et il supplia le Grand-Esprit de la lui faire connaître. Alors se présenta à lui un beau jeune homme, Mondamin, personnification poétique du maïs. Hiawatha lutta avec lui, le vainquit et le mit en terre, (c Jour et nuit Hiawatha alla veiller près de son tombeau, eut soin de garder doucement remuée la terre qui le recouvrait, de la garder pure des herbes et des insectes, et d’éloigner avec des cris et de grands gestes Kahgahgee, le roi des corbeaux, jusqu’à ce qu’enfin une petite plume verte pointa lentement hors de terre, puis une autre et puis une autre. Et avant que l’été fût fini, le maïs s’était dressé dans toute sa beauté, enveloppé de ses robes brillantes et de ses longues, soyeuses et jaunes tresses. Transporté de bonheur, Hiawatha s’écria : « C’est Mondamin! c’est l’ami de l’homme, Mondamin! » Il y a dans cet épisode une réminiscence littéraire évidente, mais habilement dissimulée. Le combat de Hiawatha contre Mondamin rappelle la lutte des rois contre John Barleycorn et la résurrection miraculeuse de ce dernier dans l’admirable ballade de Burns.

Hiawatha était aidé dans ses travaux par deux amis avec lesquels il passa la plus grande partie de sa vie, l’homme fort, Kwasind, et Chibiabos le chanteur. Ils composaient son conseil politique. Le caractère de Kwasind est dessiné en traits ingénieux. Kwasind est l’emblème de la force unie à la tendresse et à l’intelligence. Il lui répugne d’employer sa force à des objets familiers et d’une utilité mesquine. Il la laisse reposer lorsqu’elle ne trouve pas un objet digne d’elle. Aussi l’accusait-on dans son enfance d’être étourdi, paresseux et rêveur. Jamais il ne jouait, jamais il ne chassait, ou ne péchait comme les autres enfans le font. Il était pieux cependant et même dévotieux. « Paresseux, lui disait sa mère, vous ne m’aidez jamais dans mes travaux. » Pour lui complaire, il prit un jour les filets de pêche qui séchaient au soleil, et les rompit rien qu’en les touchant, tant sa force était grande. Abattre des forêts, soulever des rochers, frayer des sentiers dans les solitudes épaisses de troncs d’arbres et de broussailles, tels étaient les jeux auxquels il aimait à s’exercer. Il était la main d’Hiawatha, ou, pour mieux dire, il représente le génie pratique du héros, comme Chibiabos le