Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/724

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
720
REVUE DES DEUX MONDES.

but, ils ont signifié au gouvernement néo-grenadin un ultimatum par lequel ils réclament une indemnité considérable pour les scènes qui ont eu lieu à Panama l’an dernier, et comme la Nouvelle-Grenade a refusé jusqu’ici de payer cette indemnité, parce qu’elle attribue aux Américains eux-mêmes l’initiative et la responsabilité de cette collision, le gouvernement de Washington se dispose à agir par la force. Il menace la Nouvelle-Grenade d’un blocus, peut-être d’une occupation de l’isthme. Or ici la question prend des proportions assez graves pour intéresser l’Europe. Que les États-Unis élèvent des réclamations contre certaines mesures fiscales, qu’ils soient fondés à se plaindre du peu de sécurité qui règne dans l’isthme, soit ; il peut y avoir dans leurs réclamations une part légitime. On ne peut cependant méconnaître la situation singulière qui est faite à la Nouvelle-Grenade : si cette république laisse le désordre régner sur son territoire et ne peut parvenir à garantir même la vie des voyageurs, on se plaint, non sans raison ; si elle cherche à se procurer des ressources pour avoir des moyens suffisans d’action et de surveillance, on ne se plaint pas moins vivement. Et c’est ainsi que, dans une situation privilégiée, ces malheureux pays voient tout tourner contre eux, parce qu’au lieu de s’organiser et de prendre possession d’eux-mêmes, ils passent leur temps à se déchirer, à dissiper les plus incomparables élémens de richesse.

Il faudrait maintenant aller jusqu’au Paraguay pour assister à un autre spectacle certainement assez curieux. Un congrès extraordinaire avait été convoqué pour élire un président à la place de M. Carlos Antonio Lopez, qui avait exprimé l’intention d’abdiquer le pouvoir. On supposait à ce dernier la pensée de transmettre son autorité à son fils, le général Solano Lopez ; mais dès la réunion du congrès une scène étrange s’est produite entre les représentans du Paraguay et le chef de l’état. M. Carlos Antonio Lopez a tout d’abord persisté à vouloir se démettre de ses fonctions. Malgré tout cependant il a été réélu d’une voix unanime. Ce vote unanime n’a pu le décider. Alors l’assemblée s’est tournée vers le fils du président, le général Solano Lopez ; mais celui-ci a obstinément refusé de se laisser élever à la présidence. De guerre lasse enfin, l’assemblée n’a plus eu d’autre ressource que de s’adresser une dernière fois à M. Carlos Antonio Lopez ; et celui-ci a fini, après toutes les péripéties électorales, par accepter le pouvoir pour sept ans. Ainsi s’est terminée cette scène bizarre d’une élection au Paraguay.

ch. de mazade.

V. de Mars.