rial était inabordable : l’empereur Anthémius mariait sa fille au patrice Ricimer, et les fêtes avaient déjà commencé. Le Transalpin, comme il nous le dit lui-même, jugea à propos de se cacher jusqu’à ce que toute cette agitation fût passée, partageant le temps des réjouissances entre un repos dont sa santé avait besoin et une correspondance qui nous est restée en partie.
Ricimer, qui, depuis onze ans, tenait l’Italie et Rome sous sa main, était né chez les Suèves d’Espagne, dans une des familles privilégiées où ce peuple puisait ses rois; il avait eu pour mère une fille du roi visigoth Vallia, qui fixa en 418 les bandes d’Alaric dans l’Aquitaine, et sa sœur, mariée jadis à un chef burgonde, était mère de Gondebaud, le plus intelligent et le plus puissant des quatre rois de cette nation qu’on appelait en Gaule les tétrarques. Ricimer figurait donc au premier rang de cette aristocratie barbare qui avait fait invasion dans la société romaine, que la politique et les mœurs étaient forcées de reconnaître, et que la poésie latine elle-même ne rougissait pas de célébrer à l’égal du vieux patriciat étrusque ou sabin. En effet, ces mercenaires, suèves, goths, huns, alains, vandales, qui venaient mettre leur sang au service de Rome, apportaient avec lui sous les aigles toutes les prétentions vaniteuses qu’ils avaient pu nourrir dans leurs forêts, sous leurs tentes de peaux. Lorsqu’ils étaient rois, fils de rois, chefs de haut parage dans leur pays, ils imposaient leur importance au gouvernement romain pour la collation des grades ou des commandemens, et à mesure que l’élément barbare prit une place plus large dans la composition des armées de l’empire, Rome dut compter davantage avec ces généalogies étrangères.
Il finit même par exister au sein de la société romaine deux noblesses d’origine en quelque sorte opposée, mais marchant presque de pair dans la considération publique, — l’une romaine, en possession des hautes charges administratives, et entrant rarement dans l’armée : c’était la noblesse civile, celle de la paix; — l’autre barbare, en possession des hauts emplois militaires et se glissant par eux dans le sénat : c’était la noblesse de la guerre. Si les noms patriciens, ceux des Sulpicius, des Anicius et des Gracques, résonnaient bien aux oreilles du peuple de Rome et conduisaient rapidement ceux qui les portaient aux charges de cour et aux préfectures du prétoire et de la ville, l’armée, à qui ils n’étaient guère connus et qui voyait habituellement des Barbares à sa tête, n’imaginait pas de descendance plus illustre pour un général que celle d’Alaric ou d’Attila. La