Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/743

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

teau du Cœlius, la basilique de Latran s’élevait intacte au-dessus de ces ruines, comme le Capitole d’une Rome nouvelle contre laquelle les Barbares ne prévaudraient point. Ces marques de l’abaissement de la patrie contristèrent sans doute plus d’un cœur romain, lorsqu’au matin du 1er janvier 468 le sénat et le peuple se pressaient sous le péristyle du palais pour saluer Anthémius consul. Un autre spectacle non moins douloureux les attendait au dedans, — Ricimer partageant avec Anthémius les hommages de Rome.

Ce fut dans une des salles du palais, en présence de l’empereur, du sénat et des plus illustres citoyens, que Sidoine Apollinaire, introduit par ses patrons, prononça le panégyrique qu’il avait composé. On sait que ce genre d’ouvrage, lorsqu’il était en vers, consistait à encadrer dans une allégorie mythologique, autour de l’éloge du héros, des descriptions de lieux, de peuples, de batailles, des tableaux de mœurs, des digressions historiques ou philosophiques, en un mot tous les hors-d’œuvre élégans dont un talent facile et harmonieux pouvait couvrir la nudité du sujet. La poésie latine nous a laissé à cet égard, dans les panégyriques de Claudien, des modèles parfaits, que l’on admirait et imitait au Ve siècle. Sans doute, au point de vue du goût, une saine critique littéraire condamne ce genre de composition, vide et guindé, qui n’échappe à la froideur que par une inspiration factice ou à la platitude que par l’emphase, et qu’un grand talent fait seul tolérer; mais l’histoire n’a pas le droit de se montrer si sévère. Une grande partie de ce que nous savons sur les mœurs du Ve siècle nous a été fournie par les panégyriques. C’est là surtout que nous pouvons étudier le côté barbare de l’histoire romaine, si l’on me permet une si bizarre alliance de mots. En effet, le panégyriste, obligé de parler du temps présent à ses contemporains, est véridique même quand il travaille à ne pas l’être, et ses réticences sont quelquefois une révélation. À ce titre, Claudien est un historien précieux pour l’étude de son temps. Je dirai la même chose de Sidoine Apollinaire, inférieur en talent à Claudien, mais mêlé plus que lui aux affaires publiques, et par là plus digne encore d’être écouté. Or, des trois panégyriques composés par le poète lyonnais, aucun ne présente plus d’intérêt historique que celui d’Anthémius; aucun ne fut prononcé dans des circonstances générales plus importantes pour le monde romain. Envisagé de cette façon, le panégyrique d’Anthémius n’est peut-être pas le trait le moins saillant du tableau que j’essaie de retracer ici.

Pour bien comprendre ce poème, il faut se mettre au point de vue de l’auditoire auquel il était destiné. Ce que cette foule venait fêter dans la personne d’Anthémius, c’était le retour à l’unité du monde romain, représenté en Occident par l’empereur grec, et dont le ma-