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contrat, déterrer leur pécule et s’embarquer pour regagner leur pays[1].

Tel est l’état des choses à la Réunion. Aux Antilles, si au point de vue du droit la situation est identique, les résultats acquis sont très différens. C’est seulement en 1852 que le gouvernement se décida à tenter l’entreprise, reconnaissant, après l’élaboration approfondie que nous venons de rappeler, que l’immigration des mers de l’Inde à celles d’Amérique ne pouvait être laissée à la seule initiative de l’industrie, privée. Secondant et développant les vues d’un gouverneur intelligent, qui lui-même reprenait en sous-œuvre une conception évidemment trop modeste, l’administration supérieure passa contrat, en 1853, avec une société puissante, qui devait faire de l’immigration indienne aux Antilles l’une de ses principales branches d’opération[2]. La compagnie concessionnaire devait introduire aux Antilles 15,000 coolies dans une période de quatre ans. Cette période est écoulée, et il n’y en a guère aujourd’hui plus de 6 000 rendus aux Antilles, Cependant le chiffre accordé n’avait rien d’exorbitant, pas plus que la durée imposée au concessionnaire. Pourquoi et comment cette entreprise si sagement combinée s’est-elle trouvée paralysée dans son développement ? Parce que l’Angleterre y a mis obstacle, du moins autant qu’il a dépendu d’elle, c’est-à-dire diplomatiquement[3].

  1. Extrêmement économes, ne travaillant qu’afin de se créer un pécule, et ne perdant pas de vue le rapatriement, les coolies enterrent leur salaire pour le retrouver intact à l’expiration de leur contrat. Cette coutume est si générale qu’on la considère comme l’une des causes du resserrement de la circulation locale. Elle fait comprendre de quelle utilité serait l’établissement des caisses d’épargne promis depuis longtemps aux colonies. Toutefois, l’immigration pour la Réunion se faisant, comme nous l’avons dit, sans subvention du gouvernement, le réengagement devient affaire particulière entre le colon et le travailleur. Il en résulte, au grand avantage de tous, que le nombre des rapatriemens est relativement, très restreint.
  2. La Compagnie générale maritime, qui dans ses premiers rapports aux actionnaires, nous semble oublier un peu trop la place que tint cet élément dans sa formation. Le mérite de l’initiative est dû au capitaine au long cours Auguste Blanc, homme aussi modeste qu’intelligent, dont la persévérance finit par vaincre toutes les hésitations, et qui, par décret du 27 mars 1852, devint concessionnaire de l’introduction de 4,000 coolies aux colonies d’Amérique. C’est ce traité qui, remanié par M. l’amiral de Gueydon, lorsque le capitaine Blanc parut à la Martinique avec un premier et magnifique contingent, est devenu le contrat actuel de la compagnie.
  3. Nous tenons d’excellente source que l’efficacité de cet obstacle diminue en présence de l’agitation dont l’Inde est aujourd’hui le théâtre. La crainte de la famine rendue imminente par la destruction des plantations, celle des représailles qui peuvent être exercées contre lui, tout tend aujourd’hui à pousser l’Indien hors de son pays, et il n’est guère douteux qu’avec un peu de hardiesse commerciale on ne trouvât à employer aux transports un plus grand nombre de navires que ceux actuellement occupés.