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publié il y a plus d’un an[1] que pour la Réunion la proportion serait renversée, et que le revenu net ressortirait aux deux tiers.

Dans le cours de ces dernières années, l’agriculture et la fabrication, mais surtout l’agriculture, ont fait de grands progrès aux colonies : dès qu’il a fallu compter avec les bras, on a songé à les économiser. Le mode séculaire de plantation qui faisait d’un champ de canne une sorte de forêt inaccessible à tout autre instrument que l’homme lui-même s’est considérablement modifié, et chaque jour voit s’étendre l’emploi du matériel aratoire perfectionné d’Europe. Enfin, depuis quelques années, la possession du sol colonial est tout à fait rentrée dans le droit commun de la métropole. La propriété a cessé d’être soumise à diverses prescriptions temporaires que renfermait l’un des décrets du 27 avril 1848, qui déclarait exécutoires aux colonies les titres XVIII et XIX du code de procédure sur la saisie immobilière. Aujourd’hui donc, dans ces contrées comme en France, l’immeuble se trouve rendu à son caractère essentiel de gage hypothécaire.

Tels sont les élémens en quelque sorte organiques de la propriété foncière dans nos possessions à’outre-mer depuis l’abolition de l’esclavage. Maintenant quelle assiette, quelle valeur constituent-ils à cette propriété ? — Une idée qui est encore un legs plus ou moins déguisé des temps de l’esclavage, c’est la dissemblance radicale qui existerait entre la société coloniale et celle de la métropole. Jusqu’à ces derniers temps, il eût été assez difficile de discuter cette opinion, car on la rencontrait en quelque sorte dans l’air plutôt que dans des documens précis ; mais nous l’avons enfin trouvée formulée dans un travail du comité consultatif des colonies libéralement offert aux appréciations de la publicité par le ministère de la marine.

La question de la dissemblance entre la propriété coloniale et la propriété métropolitaine a été soulevée entre le comité consultatif des colonies et M le comte de Germiny, alors gouverneur du crédit foncier de France, à l’occasion de vœux pour l’établissement du crédit foncier dans nos îles[2]. Laissant de côté ce qui touche au crédit foncier colonial, il nous suffira de citer ce considérant de l’avis du comité consultatif où se trouve si nettement produite la pensée que nous recherchons, « que des différences notables et fondamentales

  1. Voyez la Revue coloniale de septembre 1856.
  2. Le comité consultatif des colonies, constitué par le sénatus-consulte organique du 7 avril 1854 et par le décret impérial du 26 juillet de la même année, est composé d’hommes considérables de la métropole et des colonies. Il est en ce moment présidé par M. le sénateur Dariste, colon de la Martinique. — On trouvera dans la Revue coloniale de février 1857 l’avis du comité sur l’application du crédit foncier aux colonies, et la lettre fort remarquable du gouverneur du crédit foncier au ministre de la marine.