Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/213

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

publié jusqu’ici que le premier volume, a montré d’une manière évidente que le théâtre a partout une origine religieuse et liturgique. La tragédie grecque a commencé par faire partie des rites de Bacchus : peu à peu elle s’en éloigna, elle se fit indépendante, et les spectateurs d’Athènes, qui voyaient que la tragédie ne s’occupait plus de Bacchus, se demandaient quelquefois : Qu’y a-t-il ici pour Bacchus ? soit pour se moquer du dieu qui perdait ses droits, soit pour railler la tragédie, qui prenait trop de licence. Le théâtre moderne a aussi une origine religieuse, mais il s’est aussi éloigné de son origine. M. Onésime Leroy, dans son curieux ouvrage intitulé : Études sur les Mystères, cite un procès-verbal de la représentation du Mystère de saint Martin à Seurre le 9 mai 1496. Nous y voyons qu’un vicaire de l’église de Saint-Martin de Seurre et plusieurs honorables bourgeois de ladite ville s’assemblèrent « pour faire coucher sur un registre la vie de monseigneur saint Martin par personnages, de façon qu’à la voir jouer, le commun peuple pourrait voir et entendre facilement comment le noble patron dudit Seurre, en son vivant, a vécu saintement et dévotement. » Cette représentation avait pour but d’apprendre au peuple la vie de saint Martin et de lui prêcher la loi chrétienne par l’exemple des saints. Malheureusement une grande pluie survint pendant la représentation, qui avait lieu en plein air, et « tous les joueurs dudit jeu, dit le procès verbal, s’en vinrent en ladite église monseigneur Saint-Martin chanter un salut moult dévotement, afin que le beau temps vînt pour exécuter leur bonne et dévote intention en l’entreprise dudit mystère, laquelle chose Dieu leur octroya, car le lendemain, qui fut lundi, le beau temps se mit dessus, dont commandement fut fait à son de trompette par messeigneurs les maires et échevins que nul ne fût si osé ni si hardi de faire œuvre mécanique en ladite ville l’espace de trois jours, pendant lesquels on devait jouer le mystère. » Ainsi la représentation des mystères était une fête solennelle et toute religieuse, qui obligeait les habitans à ne point travailler et à s’amuser pendant trois jours. Nous rions volontiers à ce trait ; mais que cela est bon d’être amusable pendant trois jours ! comme cela témoigne du calme honnête et doux de ces âmes du XVe siècle ! Être amusable, être content, deux grands privilèges qui se touchent de près, et qui tiennent tous deux à la fermeté et à la sérénité du cœur.

Ailleurs je vois que, pour laisser aux fidèles le loisir d’assister à la représentation des mystères, les curés, les jours de fête, avançaient l’heure des vêpres. « Lors de la représentation de la passion qui eut lieu à Angers en lA8tt, on célébra une grande messe au milieu du parterre. Le chapitre de la cathédrale avança ses offices,