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gagné du moins la connaissance de ce qu’il fallait éviter dans une si difficile opération : avant de savoir ce qu’il faut faire, il est très utile de savoir ce qu’il ne faut pas faire.

Les câbles électriques de la Méditerranée ont été plus heureux. On a pu atteindre l’Algérie, et le bulletin météorologique de notre colonie africaine parvient chaque jour à l’Observatoire. Le câble électrique anglais est arrivé de Sardaigne à Malte et de Malte à Corfou, dans le nord des îles Ioniennes, et sur la côte occidentale de la Grèce ; il arrivera bientôt de là dans l’île de Candie, et de Candie à Alexandrie. Dieu le conduise à Bombay et à Calcutta !

Voilà donc les mers plus sûres que les terres pour les transmissions télégraphiques ! C’est à la France et à M. Bret que l’on doit la télégraphie sous-marine. Je ne cesse de répéter que sans la ferme volonté du chef de la république française d’alors, ni l’Angleterre ne communiquerait avec le continent, ni aucune des communications télégraphiques actuelles n’aurait eu lieu, et qu’on n eût point créé le câble de cent cinquante lieues qui traversait la Mer-Noire, de Varna à Balaclava, et qui a été si utile pour diriger cette lointaine guerre. Au moyen du câble traversant la Mer-Noire, on recevait des nouvelles stratégiques de la Crimée, comme du temps de Henri IV on eût pu en avoir à Paris de Melun ou de Fontainebleau.

Il est superflu de dire combien les câbles électriques seront utiles pour le perfectionnement de la géographie, en donnant les longitudes aussi exactement que l’on avait autrefois les latitudes. C’est ainsi que Londres a été dernièrement relié à Paris, à Bruxelles et à Berlin, et que les longitudes des divers points de la carte de France seront déterminées bientôt. Pour la connaissance de la figure du globe, les parallèles de Bordeaux et de Brest seront prolongés jusqu’en Asb. Tel était le but du voyage récent de l’astronome impérial de Russie, M. Struve, qui a terminé cette année une mesure de la terre, allant de l’embouchure du Danube jusqu’au cap Nord, sur une échelle supérieure à tout ce qui avait été exécuté d’abord en France, puis dans l’Inde par les Anglais.

Les États-Unis, sous la direction de M. Bâche, arrière-petit-fils de Franklin, travaillent à une hydrographie des côtes (coast-surrey) de leur vaste empire, qui occupe un continent tout entier, et qui, mieux encore que l’Europe, peut nourrir deux ou trois cent millions d’hommes. Ce vaste labeur mériterait un examen spécial. Une carte magnétique du plus grand mérite aurait été mentionnée par moi dans ma dernière étude[1] si elle eût été à cette date reçue en Europe.

Il y a d’ailleurs un progrès général à signaler dans les travaux géographiques. L’Allemagne surtout s’y livre avec ardeur, et il convient de recommander à ce propos le recueil de M. Petermann, de Gotha, lequel peut rivaliser avec le Journal de la Société géographique d’Angleterre, quoique l’éditeur allemand n’ait pas à sa disposition la vaste correspondance du peuple anglais. Les détails statistiques, la bibliographie géographique du monde entier y sont traités avec une grande supériorité. Du temps de Louis XIV, les Français ne savaient pas l’anglais, mais ils savaient l’allemand.

  1. Voyez la Revue du 1er novembre 1857.