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astronomique dont il avait en 1852 pris l’initiative par une belle photographie de la lune.

M. Lassel, de Liverpool, qui, excédé des brumes de l’Angleterre, a transporté ses télescopes à Malte il y a quelques années, a préparé en 1857 la monture et le miroir d’un télescope gigantesque qui rivalisera avec celui de lord Rosse. Il aura quatre pieds anglais de diamètre. Tel était le grand télescope de William Herschel, que j’ai vu à Slough. M. Foucault, par un procédé spécial, a réduit à un poids très maniable les miroirs massifs anciens en même temps qu’il en a augmenté la perfection. Il a déjà dépassé les instrumens de grandeur ordinaire pour aborder les très grands réflecteurs. Toutes les applications que j’ai vues de ses procédés ont dépassé ce que je connaissais jusqu’ici, même après avoir essayé à Slough les miroirs de dix-huit à vingt pouces de M. John Herschel, qui ont si bien fonctionné au cap de Bonne-Espérance. Quant aux Américains, on leur doit la photographie du temps comme celle des étoiles et de la lune, ce qui dispense d’écouter péniblement les battemens d’une horloge et laisse l’attention de l’observateur tout entière pour l’œil qui suit l’astre. Au moment du passage, une touche électrique inscrit sur un cadran tournant le moment de l’observation. La précision est plus que doublée par ce commode procédé dû à la jeune science américaine. Malheureusement l’appareil d’horlogerie électrique qui donne ce surcroît de précision est rare, cher et difficile à bien régler, en sorte que presque toujours les astronomes en sont réduits à estimer les fractions de seconde entre deux battemens du pendule de l’horloge, chose à quoi M. Arago réussissait merveilleusement, et qui a toujours été au-dessus de mon aptitude observatrice. J’étais donc obligé de me servir d’un compteur à arrêt, avec l’embarras de régler d’avance ce compteur sur l’horloge sidérale de l’Observatoire ou sur un chronomètre portatif. On doit penser que dans une science où, suivant Fontenelle, l’art d’observer est lui-même une très profonde science, l’intelligence humaine a dû faire autant de frais de génie pour les instrumens que pour le calcul des inextricables complications des mouvemens célestes où chaque astre est influencé par tous les autres. Franklin définissait l’homme l’animal qui sait se faire des outils, et quels outils que ceux qui doivent partager et marquer le temps et l’espace dans leurs plus petites subdivisions ! Aussi s’estime-t-on heureux quand on peut s’en procurer n’importe à quel prix. Un héliomètre, un cercle pareil à celui de Greenwich, un grand équatorial, un verre achromatique parfait de quinze pouces anglais de diamètre, sont des instrumens dont le prix va de 40 à 50,000 francs, et, comme les rubis, n’en a pas qui veut avec de l’argent. Pour revenir aux outils dont l’usage caractérise l’espèce humaine, je me suis curieusement informé auprès des voyageurs qui ont été dans le pays des grands singes si ceux-ci employaient quelques instrumens mécaniques, et, hors le bâton employé seulement comme arme, je ne crois pas que leur instinct sache utiliser aucun objet. À l’état domestique, ils apprennent facilement par imitation l’usage de presque tous nos ustensiles, et bien mieux que les autres animaux que l’homme emploie à son service.

Parmi les outils non matériels, je mettrai au premier rang la publication des annales de l’observatoire de Paris, où M. Leverrier a donné les procédés