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C’était une concession à la vanité chinoise que la compagnie des Indes croyait pouvoir faire en vue des immenses avantages qui découlaient pour elle de ses privilèges commerciaux ; mais un agent choisi pour représenter le souverain de la Grande-Bretagne en Chine ne pouvait montrer la même condescendance. Aussi, dès que lord Napier arriva à Macao comme surintendant du commerce anglais, après l’abolition des privilèges commerciaux accordés en Chine à la compagnie des Indes, les difficultés de sa position vis-à-vis des autorités impériales surgirent menaçantes, laissant entrevoir la guerre comme l’unique solution possible des problèmes que soulevait la présence sur le territoire du Céleste-Empire du haut fonctionnaire envoyé par le gouvernement anglais.

Les instructions de lord Palmerston prescrivaient à Napier de s’adresser lui-même au vice-roi de Canton, au moins par une lettre ; d’un autre côté, dès le jour où son arrivée en Chine fut connue à Canton, des ordres émanés du vice-roi signifièrent à l’agent anglais de rester à Macao, attendant que des instructions fussent venues de Pékin sur la conduite à tenir à son égard. Ces ordres ne le trouvèrent plus à Macao. Un officier militaire chargé d’empêcher son départ pour Canton le croisa en route. Napier arriva dans la ville où résidait l’autorité à laquelle l’adressaient ses instructions. Il voulut transmettre au dignitaire chinois la lettre qui contenait ses pouvoirs. Cette lettre fut rejetée avec mépris, et la mort du surintendant anglais survint (décembre 1834) avant que des relations politiques eussent pu s’établir entre lui et le vice-roi.

Ainsi dès cette époque la lutte semblait réellement engagée, lutte où étaient en jeu non-seulement les plus grands intérêts matériels, mais encore la dignité d’une des plus grandes puissances du monde en face d’un empire barbare. Nul doute que, dans de pareilles circonstances, en Europe et vis-à-vis d’une nation européenne, ce débat n’eût amené une guerre immédiate ; les choses cette fois se passèrent autrement. « Ce dont nous avons besoin en Chine, dit alors un des plus illustres personnages de la chambre haute, le duc de Wellington, est de conserver ce que nous avons acquis, » et l’Angleterre accepta la ligne de conduite tracée par cette parole. À Napier succédèrent des surintendans établis à Macao, vivant à Macao, ayant en un mot renoncé à toutes relations officielles et directes avec le vice-roi. Napier fut remplacé par sir John Davis, celui-ci par sir G. Robinson, et ce dernier par M. Axtel, qui eut pour successeur le capitaine Elliot. « Obéissez, vous resterez ; désobéissez, vous partirez, » avait dit aux barbares le vice-roi Loo dans une dépêche restée fameuse. De ces deux alternatives, les Anglais semblaient avoir accepté la première. Ils avaient obéi, le commerce continuait, et