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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/803

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sans doute, car le caractère national des races se reflète dans leurs ouvrages ; mais au point de vue de l’étude des mœurs, je préfère un autre champ d’observations. Il est intéressant, qui le nie ? de retrouver le berceau de l’architecture, de poursuivre sous quelques pieds de terre fouillée et remuée des ruines oubliées par le temps, des reliques de l’industrie naissante, la trace des anciens peuples qui ont passé sur le sol de la Grande-Bretagne. Je me demande pourtant s’il n’y aurait point lieu de reconstruire en même temps une archéologie humaine dont les oracles seraient aussi sûrs et autrement instructifs pour la philosophie de l’histoire que les muettes révélations de la pierre et du bronze. Les antiquaires ont trop négligé les médailles de la vie : j’appelle ainsi les crânes des différens peuples par lesquels a été habitée à diverses époques la surface de l’Angleterre. Malgré des travaux estimables, l’ethnologie britannique est encore dans l’enfance ; ce ne sont pourtant point, comme on va le voir, les élémens qui manquent.

Le célèbre Prichard, aux travaux duquel la science des races doit tant d’idées neuves et d’observations délicates, avait prévu qu’une histoire ostéologique pourrait sortir un jour des antiques tombeaux dans lesquels dorment depuis des siècles les débris des anciens peuples qui ont successivement colonisé le territoire britannique. Il recommanda plusieurs fois de conserver ces restes, et surtout le crâne humain, sorte de couronne posée par la main de la nature sur toute la création animale. Dans les derniers temps de sa vie, il s’occupait même à réunir les élémens d’un ouvrage sur ce nouvel ordre d’antiquités nationales. L’idée d’un tel ouvrage a été recueillie et mise à exécution par deux savans recommandables, les docteurs Barnard Davis et John Thurnam, qui publient en ce moment une histoire des anciens habitans de la Grande-Bretagne d’après les monumens, et surtout d’après les crânes trouvés dans les vieilles sépultures[1]. L’âge historique de ces crânes est attesté par l’âge des tombeaux, sur lequel les antiquaires sont aujourd’hui d’accord, et par les divers objets qui accompagnent les dépouilles humaines. Cette physiologie souterraine des races à demi exhumées intéresse au plus haut point le moraliste : il y voit se former de couche en couche la structure des différentes familles qui, dans la série des âges, ont apporté des organes nouveaux et successifs à la civilisation britannique. . Le sol des îles dont la réunion compose le royaume a été recouvert

  1. Une livraison parait environ tous les six mois avec de superbes planches lithographiées, représentant les crânes de grandeur naturelle et différentes antiquités. Chaque livraison se vend une guinée. Les auteurs ont mis à contribution pour ce grand travail et leurs propres recherches et les collections publiques on particulières qui existent dans le royaume. Le titre de l’ouvrage est Crania Britannica.