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cet endroit était alors vulgairement appelé le sanctuaire. Un antiquaire du temps, Aubrey, lui donne le nom de promenades solennelles, solemn walks. C’était la trace d’une avenue de pierres qui conduisait jadis au grand temple d’Abury. Ce locus consecratus était entouré par une nécropole bretonne. C’était sans doute un usage religieux que de rassembler les morts autour du temple. Dans le dernier siècle, on a ramassé en cet endroit des boisseaux d’ossemens. Une telle situation, si près de l’enceinte du temple, avait d’abord fait croire que ce Golgotha celtique avait appartenu aux Bretons les plus distingués des tribus circonvoisines. Les antiquaires ont aujourd’hui reconnu que c’était au contraire une sépulture commune pour les Bretons de la classe inférieure qui n’avaient pas le moyen de se procurer un tumulus. Il est même à craindre que ce ne soient les restes des victimes immolées aux superstitions du temps. On a trouvé près de ces débris humains des cailloux tranchans et travaillés, — peut-être les instrumens du supplice. Les rides des dunes qui se plissent autour du Kennet et les champs abondent, d’un autre côté, en tombeaux particuliers. Trois de ces barrows, qui ont la forme élégante d’une cloche, sont joints par une tranchée commune. En août 1854, ces monumens furent explorés par le docteur Thurnam, qui trouva un dépôt d’ossemens brûlés dans une crypte peu profonde. Ces os délicats étaient probablement ceux d’une femme. Ces trois barrows formaient sans doute un sépulcre de famille, vraisemblablement celui de deux frères, avec la femme de l’un, peut-être même avec la femme de tous deux au centre[1]. Un autre tertre, près du cercle sacré, semble avoir été le poste d’honneur réservé au chef de clan qui habitait ces dunes. C’était le seul dans lequel la crémation des os n’eût point été pratiquée. Le corps paraît avoir été déposé dans le tronc creux d’un arbre, probablement un orme. Les restes de ce tronc avec l’écorce furent trouvés sous le squelette, qu’ils ont coloré en brun. Ces os sont d’une taille peu commune. On estime que la stature de la personne vivante devait être au moins de six pieds anglais. Près de la tête était une petite hache ou ciseau, une pique avec le manche et une tête de lance, le tout en bronze. Le crâne de ce guerrier celte figure, avec ses armes, dans la collection du docteur Thurnam à Devizes. L’ossification de la tête indique bien que cet homme ne devait point avoir moins de soixante-dix ans. Les dimensions considérables du crâne[2], proportionnées du reste à la

  1. « Uxores habent inter se communes et maxime fratres cum fratribus. » Julius Cæsar.
  2. La cavité de cette boite osseuse peut contenir quatre-vingt-trois onces de sable blanc, d’où l’on est fondé à conclure que le cerveau pesait cinq onces de plus au moins que le poids ordinaire d’un cerveau d’homme adulte chez les modernes Européens.