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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/97

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comme impassible, ces années d’épreuves, si lourdes pour ses sœurs. Les exportations de notre colonie de l’Océan-Indien, qui, en 1847, dernière année de l’esclavage, avaient été de 24,799,000 kilogrammes, furent de près de 22 millions pour 1848, de 18,391,000 kilogrammes pour 1849, de près de 19 millions pour 1850, et de 23 millions en 1851. C’est un fait qu’il suffit de constater pour le moment, et qui sera bientôt expliqué.

Les années 1852 et 1853 virent enfin une situation meilleure s’annoncer aux Antilles, et particulièrement à la Martinique. Les esprits se calmaient, les agitations de la vie politique cessaient de troubler le travail ; la liquidation et la répartition de l’indemnité, rapidement conduites, jetaient de précieuses ressources dans le pays. Les banques de circulation décrétées par la loi de l’indemnité, entrant enfin en activité, faisaient immédiatement tomber le taux de l’intérêt et modifiaient profondément des habitudes commerciales où dominait peu jusque-là l’exactitude sacramentelle des échéances. À son tour, le travail agricole se dégageait spontanément de la scorie des systèmes, et reprenait peu à peu, suivant les localités et les individus, l’assiette qui lui convenait. Cette heureuse situation est constatée par les chiffres de la production des Antilles pour ces années 1852 et 1853 aussi bien que pour les trois suivantes, où s’arrêtent les résultats connus. Ainsi la Martinique produisait 24,578,000 kilogrammes en 1852, 20,699,000 en 1853, — 24,374,000 en 1854, 18,529,000 en 1855, — 28,181,000 en 1856. À la Guadeloupe, les résultats obtenus étaient de 17,734,000 kil. pour 1852, — de 14,804,000 pour 1853, — de 22,072,000 pour 1854, — de 20,070,000 pour 1855, — de 22,505,000 pour 1856.

Ces chiffres demandent à être étudiés, car ils renferment plus d’un enseignement. Ils établissent qu’après une période de décadence qui dure seulement trois ans, la production de nos colonies les moins favorisées s’arrête dans son affaissement, et que, sortant presque aussitôt de cette langueur, elle reprend un léger essor. Or que l’on veuille bien se reporter aux nombreux documens publiés sur la marche du travail libre dans les colonies occidentales de la Grande-Bretagne : on verra que, malgré l’énormité du fonds de roulement mis par le paiement préalable de l’indemnité aux mains des planteurs anglais, la période que nous appelons de décadence pesa sur ces colonies beaucoup plus longtemps que sur les nôtres. Il faut donc le dire à la louange de ces colons français si souvent et si durement attaqués dans les années qui précédèrent l’émancipation : par la douceur de leurs mœurs et leurs bons procédés, ils avaient su généralement créer entre eux et leurs esclaves des liens d’affectueuse domesticité que la raideur, britannique permit rarement de se former. Les planteurs