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avait à la vérité remarqué que toutes les fois qu’on découvrait un continent, comme l’Amérique ou l’Australie, toutes les fois qu’on mettait les pieds dans quelques grandes îles inconnues jusqu’alors, comme Madagascar ou la Nouvelle-Zélande, les espèces vivantes présentaient une apparence spéciale. Chaque découverte de ce genre avait enrichi la botanique et la zoologie, et il était clair que ces continens, ces grands terrains, ces milieux, pour me servir du terme scolastique, imprimaient leur marque sur les organisations qui en formaient la population. Mais que sont de grandes terres ou des continens entiers à côté de la surface même du globe soumise, durant les époques géologiques, à des conditions tout autres que celles qui prévalent aujourd’hui ? Que sont les différences entre nos compartimens, appartenant tous à un même âge, et ces anciens compartimens séparés les uns des autres par d’énormes distances de temps qui équivalent à d’énormes distances dans l’espace ? La géologie est donc, à vrai dire, une immense expérience sur l’influence des milieux, expérience à laquelle n’ont manqué ni la durée des périodes, ni la variété des changemens.

Quel a été l’effet de cette expérience sur l’homme ? Si l’homme a vécu dans la couche immédiatement antérieure à la couche actuelle, il a été soumis à d’autres conditions que celles qui ont prévalu dans l’époque actuelle. Le type humain d’alors a-t-il ses analogies parmi quelqu’une des races qui habitent aujourd’hui la terre ? Se rapproche-t-il des plus élevées ou de celles qui sont inférieures ? L’homme fossile paraît-il avoir possédé des arts et des instrumens qui indiqueraient une intelligence étendue, un développement supérieur et un être tout d’abord en possession des hautes pensées de l’humanité ? Tandis que les productions vivantes ont cheminé suivant une incontestable évolution, si bien que les mammifères, les singes, enfin l’homme, ne viennent au jour que dans les âges postérieurs, au contraire l’histoire humaine a-t-elle suivi une marche inverse, si bien que les âges antérieurs auraient vu une humanité plus puissante, plus belle, plus intelligente ? Ou bien, inversement, est-il vrai que ces races géologiques, appartenant à un milieu plus uniforme et moins développé, naissant au milieu d’animaux reculés, eux aussi, dans les lointaines époques, n’offrent qu’en ébauche et en rudiment ce qui devait être le propre de l’espèce humaine, à savoir l’industrie, les arts, la science et leur développement continu ? Ces questions qui se font trouveraient peut-être quelques réponses, si l’on réunissait un nombre assez considérables de débris d’une humanité fossile.